Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/187

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fidèles ne doivent rien faire, loin des regards, de ce qu’ils ne voudraient pas faire devant toute une assemblée. Je n’adopte pas ce système néanmoins, car il faudrait bientôt fermer boutique. Oui, Esquire, Pierre Goodwin buvait terriblement dans son coin.

— Jusqu’à l’ivresse, vous voulez dire, mistress Horton ?

— Jusqu’au delirrum tremens ; il descendait ordinairement au village sous prétexte d’affaires, et venait droit chez nous, où je lui ai vu avaler trois juleps dans la première demi-heure. D’autres fois il prenait l’excuse d’aller rendre visite à sa sœur en ville, et alors il restait deux ou trois jours là-haut dans une chambre qu’Horton garde pour ce qu’il appelle des en-cas ; il appelle cette chambre son quartier, quartier d’hôpital sans doute.

— Est-ce que le digne M. Horton est aussi membre de la société, mon hôtesse ?

Mistress Horton rougit avec grâce, mais elle répondit sans balbutier, l’habitude la fortifiant dans des contrariétés morales bien plus sérieuses que celle-ci.

— Il en faisait partie, et je puis dire qu’il en fait encore partie, quoiqu’il ne l’ait pas fréquentée depuis plus de deux ans.

— Ainsi, Pierre Goodwin était quelquefois ivre dans votre maison ?

— Je suis fâchée d’en convenir, il resta une fois une semaine entière, et fut pris du delirrum tremens ; mais Horton l’en guérit par l’usage du julep. C’est, dit-on, le vrai temps de le prendre. Nous le reconduisîmes chez lui sans que sa femme sût qu’il n’avait pas été tout le temps avec sa sœur. Il en eut assez pour trois mois.

— Pierre payait-il, ou aviez-vous un compte courant avec lui ?

— Argent sur table, Monsieur ; attrapez-nous à avoir des comptes avec un homme dont la femme porte la culotte. Non, Pierre payait comme un roi pour chaque gorgée qu’il avalait.

— Je suis loin d’être, certain que la comparaison soit juste, vu qu’un roi ne se fait nullement remarquer par son exactitude à payer ses dettes. Mais n’est-il pas possible que Pierre ait mis le feu à sa maison, et qu’il soit la cause de tout ce malheur dont ma cliente est responsable ?