Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/186

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mistress Horton, je suis très-curieux de savoir par quel péché particulier Satan est par venu à s’emparer « de ce chrétien fervent. »

— Il buvait, esquire Dunscomb, non il se grisait, le mot est plus juste. Vous devez savoir que sa femme était l’avarice en personne ; c’est pour cette raison qu’elle prit Marie Monson en garni, quoique sa maison ne fût nullement convenable pour loger, isolée comme elle l’était, et n’ayant qu’une petite chambre à coucher de réserve, et sous le toit, encore. Si elle avait laissé l’étrangère venir dans une maison régulière, comme elle aurait pu le faire, où elle aurait été beaucoup mieux que dans un grenier, il est probable qu’elle n’aurait pas été assassinée. Elle a perdu la vie, comme je le dis à Horton, pour s’être mêlée des affaires des autres.

— Si c’était là le châtiment ordinaire et inévitable d’une semblable faute, ma bonne hôtesse, il y aurait grande disette de dames, dit Tom Dunscomb un peu sèchement ; mais vous faisiez remarquer que Pierre Goodwin, la prétendue victime de Marie Monson, avait un faible pour les liqueurs fortes ?

— Il avait de la préférence pour le julep, liqueur qui dans ces pays-ci est des plus pernicieuses au corps. Il en était fou ! n’osant en prendre chez lui, il savait où trouver cette boisson de première qualité, et venait toujours chez nous quand il avait le gosier sec. Horton mesure trop bien (autrement nous aurions un peu meilleure figure dans le monde que nous ne l’avons ; non pas que nous soyons misérables, dans notre position actuelle) ; mais Horton le prend fort lui-même, et il verse également bien aux autres. Pierre l’apprécia bientôt, et trouva son julep supérieur au plus vanté, comme lui-même me l’a souvent dit. Horton sait préparer un julep d’une façon exquise.

— Et Pierre Goodwin avait l’habitude de fréquenter votre maison en cachette pour se livrer à son penchant ?

— Je suis presque honteuse d’en faire l’aveu : peut-être était-ce mal à nous de ne pas l’en empêcher, mais chacun fait son métier, et le nôtre est de tenir auberge, et de servir des liqueurs, quoique le ministre nous dise presque tous les dimanches que les