du respect, et laissait une salutaire impression d’autorité sur la foule des spectateurs. Tout cela a disparu. Le juge glisse inconnu dans une ville de comté, vit à l’auberge parmi les avocats, les témoins, les plaideurs, les jurés, les roués du hangar, comme Timms les appelle, se fait jour à la barre comme il peut, et croit que le point le plus important de sa mission c’est de faire le plus d’ouvrage dans le moins de temps possible. Et pourtant, ces hommes sont encore incorruptibles et intelligents à un étonnant degré. Combien de temps cela durera-t-il ? personne ne saurait le dire.
Le tribunal du comté de Dukes ne présentait rien de nouveau sur le siège du juge, dans le barreau, dans les jurés, et nous pourrions ajouter dans les témoins. Le juge était un homme froid, rassis, plein de savoir et d’expérience, et d’un caractère très-honorable. Personne ne le soupçonnait d’être partial pour de vils motifs. S’il se trompait, c’est que le tumulte des affaires lui ôtait la rectitude du jugement, ou bien c’est que ses livres ne pouvaient prévoir toutes les phases d’un procès. Le barreau était composé d’hommes simples, travailleurs, matériellement au-dessus du niveau de Timms, excepté pour ce qui est du génie naturel ; bien élevés, ayant de meilleures manières, et d’une origine plus distinguée ; ils avaient l’esprit vif, malin, fécond en ressources une pratique constante leur avait donné une grande aptitude aux affaires. Sauf quelques exceptions, ils jouissaient d’une bonne réputation, inaccessibles en général à la corruption ; mais ce qu’on pouvait leur reprocher, c’était de se laisser trop influencer par les intrigues du dehors, et de ne voir en tout que la fin, sans trop se préoccuper des moyens. Quant aux jurés, ils étaient singulièrement mélangés, comme cela doit être dans un pays où une grande partie de la masse est appelée à remplir ces fonctions délicates. Heureusement que dans les cas graves, les ignorants suivent l’impulsion des hommes intelligents, et qu’il se commet moins d’injustices qu’on ne pourrait le craindre. Mais c’est ici que se font jour les procédés favoris de Timms, le « hangar » et le « chevet ». C’est là un abus criant, qui n’est surpassé que par un mal plus révoltant encore, le sys-