lité de ses sens. Comme il considérait le sombre aspect de la galerie, son œil tomba sur la personne de Marie Moulin, et y resta une demi-minute avec surprise. La Suissesse regardait sa maîtresse avec anxiété, trahissant une expression d’inquiétude si profonde, que le conseiller chercha à en pénétrer la cause. Une idée traversa d’abord son esprit ; il s’imagina que Marie Monson pouvait bien être lunatique, et que cette défense, si souvent alléguée dans des causes capitales, pourrait être efficace dans celle-ci. Toute la conduite de cette domestique avait été si singulière ; sa tenue elle-même s’écartait tellement des règles ordinaires ; l’attachement si prononcé d’Anna Updyke, jeune fille, qui, malgré sa disposition à l’enthousiasme, était d’une conduite si sage et si prudente, tout cela, dis-je rendait la supposition très-naturelle. Cependant Marie Monson n’avait jamais paru plus calme et plus noble ; jamais son air n’avait décelé une plus haute intelligence qu’à ce moment. Sa physionomie rayonnait de cette singulière inspiration, dont nous avons déjà eu occasion de parler, mais pleine de bienveillance et de douceur l’animation des joues ajoutait à l’éclat de ses yeux. Les sentiments peints sur ce beau visage étaient grands et dignes, exempts de la fausseté et de la fourberie d’un maniaque ; c’était l’expression que tout homme serait fier de voir sans cesse sur les traits de la femme aimée. Toutes ces considérations chassèrent vite de l’esprit de Dunscomb cette défiance naissante, et ses pensées se reportèrent à l’affaire qui l’avait amené.
— Vous êtes le meilleur juge, Madame, de ce qui peut contribuer le plus à votre bonheur, reprit le conseiller, après une légère pause. Dans l’ignorance où l’on nous tient du passé, je pourrais ajouter, vous êtes le seul juge ; bien qu’il soit possible que votre compagne en sache plus, à cet égard, que vos conseillers légaux. Il est sûr, je vous le répète probablement pour la dernière fois, que votre cause en souffrira beaucoup, si vous ne nous mettez en mesure de nous renseigner franchement et librement sur votre vie passée.
— Je suis accusée d’avoir assassiné une femme inoffensive et son mari ; d’avoir mis le feu à leur maison, et de leur avoir dé-