de ces deux squelettes est celui de Dorothée Goodwin, et le plus court celui de son mari ?
— Oui, Monsieur ; c’est mon opinion, elle repose sur ce que je sais de plus formel. Je les ai vus se mesurer.
— La mesure était-elle exacte ?
— Tout à fait. Ils avaient l’habitude d’avoir des contestations au sujet de leur taille, et ils se mesurèrent différentes fois, en ma présence ; généralement n’ayant que leurs bas, et une fois pieds nus.
— La différence était-elle d’un demi-pouce en faveur de la femme ?
— Oui, Monsieur, à peu près, car j’ai été tiers-arbitre plus d’une fois.
— Pierre Goodwin et sa femme faisaient-ils bon ménage ensemble ?
— Assez bon ; dans le genre des autres gens mariés.
— Expliquez ce que vous voulez dire par là.
— Eh bien ! il y a des hauts et des bas, je suppose, dans tous les ménages. Dorothée avait le sang chaud, et parfois Pierre était têtu.
— Voulez-vous dire qu’ils se querellaient ?
— Ils avaient des mots ensemble, de temps en temps.
— Pierre Goodwin était-il sobre ?
Le témoin parut embarrassé. Il regarda autour de lui, et rencontrant partout des visages sur lesquels on lisait : « Oui, » il n’eut pas le courage moral d’affronter l’opinion publique et de dire : « Non. » On ne saurait croire combien est grande la tyrannie que cette concentration d’esprits exerce sur ceux dont les idées ne sont pas très-nettes, et qui ne sont pas constitués moralement pour résister à son influence. Elle va jusqu’à contraindre ces personnes à ne pas croire au témoignage de leurs sens, et à s’en rapporter plutôt à ce qu’elles entendent qu’à ce qu’elles ont vu. Un des effets de cette disposition, c’est de ne voir que par les yeux des autres. Comme les « voisins, » au courant des détails d’intérieur et des habitudes domestiques, croyaient généralement Pierre un homme sobre, et qu’un bien petit nombre avaient une opinion contraire,