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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/382

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cette femme, ou cette dame, car c’est le nom qu’on doit lui donner maintenant, je suppose, avait l’habitude, à ce qu’on rapporte, de quitter la prison chaque fois qu’elle le jugeait à propos ?

— Chut ! voisin Brookes, il est inutile d’alarmer le comté. Je crois que vous avez raison, quoique tout se passât à mon insu, autrement je ne l’aurais jamais permis ; cela prouve seulement la puissance de l’or. Les serrures sont aussi bonnes que pas une dans l’État, et pourtant Marie trouva moyen de les ouvrir ; on ne peut appeler cela briser ses fers, puisqu’elle revenait chaque fois ! J’eus une fière peur la première fois que je l’appris, mais l’habitude nous réconcilie à tout. Je ne mis jamais Gott dans le secret, quoiqu’il soit, selon son expression, responsable de tous ses prisonniers.

— Allons, quand une affaire tourne bien, cela ne vaut rien de toujours en causer.

Mistress Gott fit un signe d’assentiment, et dans ce cas comme dans cent autres, la fin justifia les moyens. Mais Marie Monson formait une exception à toutes les règles, et l’on ne se sentait nullement disposé à éplucher davantage ses actions. Son innocence avait été établie d’une manière si triomphante, que chacun regardait avec indulgence ses folies et son étrange conduite.

Au moment même où mistress Gott haranguait ses voisins à la porte de la prison, Dunscomb était enfermé à l’auberge avec Michel Millington, le jeune homme n’étant revenu en toute hâte qu’après l’audience. Il avait réussi, malgré son premier désappointement, et avait pris les renseignements les plus certains sur tout ce qui concernait la mystérieuse habitante de la prison de Biberry. Marie Monson était, comme le soupçonnait Dunscomb, Mildred Millington de naissance, madame de Larocheforte par mariage ; elle était la petite-fille de la femme à qui, dans sa jeunesse, il avait été fiancé. Sa folie n’était pas nettement reconnue, ne pouvait jamais être légalement établie peut-être, bien qu’un grand nombre de ceux qui la connaissaient intimement l’en soupçonnassent fortement, et que ce fût une source de grandes contrariétés pour tous ceux qui portaient intérêt à son bien-être. Son mariage avait été malheureux, et l’on