Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/6

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rues de toutes les villes de l’Amérique ; mais les voyages, les avis, les livres, l’exemple, opèrent peu à peu un changement ; on peut voir aujourd’hui des quartiers entiers où l’œil se repose avec plaisir sur les jalousies, les façades, les briques, le tout fondu dans un même ton, d’une harmonie parfaite et d’une majestueuse sobriété. C’est à nos yeux le premier pas dans la bonne voie, et nous aspirons après le jour où Manhattan aura banni ses splendides haillons, où cette ville deviendra aussi remarquable par la chaste simplicité de ses rues, qu’elle l’avait été jusqu’ici par son défaut de goût. C’est avec cette grande cité, bigarrée comme elle l’est, dans ses habitants comme dans ses teintes, avec sa population indigène ramassée de tous les points de cette vaste république, avec ses milliers d’Européens, que nous allons avoir affaire dans les pages suivantes. Nos recherches, toutefois, porteront plus sur des faits moraux que sur des faits matériels, et nous nous efforcerons de conduire avec nous le lecteur à travers des scènes dans lesquelles, nous regrettons de le dire, il y a plus de vérité que de roman.

Dans une des rues obliques qui communiquent avec Broad-Lane, et plus bas que le canal, se dresse une habitation où se trouvent réunis tous les défauts que nous avons déjà signalés, et certains autres qui n’ont pas encore été nommés du tout. Il y a vingt-cinq ans, la maison en question aurait pu passer pour une demeure patricienne, bien qu’aujourd’hui elle soit perdue au milieu de mille autres qui se sont élevées autour d’elle depuis sa construction. Elle est là, avec ses briques rouges, qu’une peinture annuelle rend plus rouges encore avec sa façade de marbre, formant une livrée rouge relevée de blanc ; avec ses jalousies vertes, son haut portail, son air de propreté et de confort, malgré les vices frappants de son architecture. Il est huit heures du matin, nous entrons.

Le rez-de-chaussée était divisé, comme d’ordinaire, en une salle à manger et un salon, avec de larges portes de communication. C’était, il y a vingt-cinq ans, la construction stéréotypée de toute habitation de quelque prétention à Manhattan, et celle de M. Thomas Dunscomb, le propriétaire et l’occupant de la