Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/67

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À leur retour à l’auberge, le docteur s’arrêta sous le hangar pour examiner ses chevaux avant que Stephen les eût bridés pour le prochain départ. Stephen n’était ni Irlandais ni nègre, c’était un cocher à l’ancienne mode, un Manhattanois pur sang, classe à part, et de ceux dont il reste un petit nombre dans la confusion de langues qui envahit cette Babel moderne ; ils sont là comme ces monuments du passé épars le long de la voie Appienne.

— Comment vos chevaux supportent-ils la chaleur, Stephen ? demanda le docteur d’une voix douce parlant toujours des bêtes comme si elles étaient la propriété du cocher et non la sienne ; Pill a l’air d’avoir eu bien chaud ce matin.

— Oui, Monsieur, il le prend un peu plus chaudement que Bolus, dans le printemps de l’année, comme tout en général. Pill travaillera crânement si on lui donne sa nourriture, et d’une façon distinguée. Mais les auberges de village n’offrent rien de bon, pas même une mangeoire propre ; et un cheval de ville, accoutumé à une belle étable et à une compagnie convenable, ne se tiendra pas au râtelier dans un de leurs trous comme il le devrait. Pour en revenir à Bolus, c’est ce que j’appelle un fameux mangeur ; peu lui importe où il se trouve, à la maison ou dans une ferme, il finit son avoine ; mais il n’en est pas de même de Pill, Monsieur, son estomac est délicat, et le cheval qui n’a pas la nourriture qui lui convient suera, été ou hiver.

— Parfois je pense, Stephen, qu’il vaudrait mieux leur retirer l’avoine pour quelques jours et les saigner, peut-être ; on dit que la flamme fait autant de bien au cheval que la lancette à l’homme.

— N’y pensez pas, Monsieur, je vous prie. L’avoine est une médecine suffisante pour un cheval, et quand les créatures ont besoin de quelque chose de plus, laissez-m’en le soin, Monsieur. Je connais une boisson particulière comme il n’en entre jamais dans le gosier d’un trotteur, sans m’embarrasser de l’académie de Barclay-Street, où tant de savants vont deux ou trois fois par semaine, et où l’on dit qu’il en entre beaucoup qui n’en sortent pas avec toute l’intégrité de leur bon sens.