Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivres de l’armée, ce qui ne serait pas si mal en effet ; et en développant un peu ce système, on pourrait donner à la table des officiers le premier choix de tout ce qui paraît au marché.

— Je parierais que tous ces grands apprêts n’ont d’autre cause que quelque vieille pièce de canon en fer, à laquelle un homme ne saurait mettre le feu sans perdre la vie, répondit Mac-Fuse d’un ton dédaigneux. Quant à moi, capitaine Polwarth, si nous devons nous battre un jour contre ces colons, je voudrais que ce fût en braves, et je permettrais à ces pauvres diables de rassembler un arsenal convenable ; car maintenant, dans l’état des choses, je rougirais, comme soldat et comme Irlandais, de dire à mes hommes de faire une charge sur un ramassis de paysans dont les armes à feu ont plutôt l’air de longs tuyaux rouillés que de mousquets, et qui ont une demi-douzaine de canons dont la lumière est assez grande pour qu’un homme puisse y passer la tête, tandis que la bouche en est si étroite qu’une bille aurait peine à en sortir.

— Écoutez donc, Mac, dit Polwarth, tandis qu’ils se dirigeaient en toute hâte vers leurs quartiers respectifs, une bille ainsi lancée peut suffire pour vous ôter l’appétit ; et les gens du pays ont un grand avantage sur nous : ils ne sont pas embarrassés pour avoir des vivres, et s’ils sont un peu plus mal armés, cette différence ne fait que rétablir l’équilibre.

— Je ne veux contredire personne en matière d’honneur et de délicatesse, capitaine Polwarth, dit le grenadier d’un air fier et martial ; mais je crois qu’il existe une différence matérielle entre un boucher et un soldat, quoique leur métier à tous deux soit de tuer. J’espère, Monsieur, je le répète, que cette expédition secrète a un plus noble but que de priver les pauvres diables, contre lesquels nous allons combattre, des moyens de se défendre comme il faut, et j’ajoute, Monsieur, que telles sont les vraies doctrines militaires, quels que soient ceux qui peuvent juger à propos de dire le contraire.

— Vos sentiments sont nobles et généreux, Mac ; mais il y a une obligation tout à la fois physique et morale qui force tous les hommes à manger ; et si, en permettant à nos ennemis de porter des armes, nous nous exposons à mourir de faim, c’est alors pour nous un devoir impérieux de les leur ôter, mesure dans laquelle je seconderai Gage de tout mon pouvoir, parce qu’elle est éminemment conservatrice.