Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/102

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nier caporal de l’armée qu’il en fût question le moins du monde. Et pourquoi, s’il vous plaît, soupçonniez-vous le contraire ?

— Il ne faut qu’un rien pour apprendre à un vieux routier comme moi quand il se prépare quelque affaire, reprit froidement Mac-Fuse en rapprochant son manteau militaire sur ses épaules ; ne vous ai-je pas vu de mes propres yeux, il n’y a qu’une heure, charger d’une double ration au moins un certain capitaine d’infanterie légère ? Comment diable, mon cher, croyez-vous que, depuis vingt-cinq ans que je suis au service, je ne sache pas encore que lorsqu’une garnison commence à remplir ses greniers, c’est qu’elle s’attend à un siège ?

— Je n’ai pas fait plus d’honneur que je ne le devais en conscience au repas du major Lincoln, répondit Polwarth, et loin d’avoir un appétit très-extraordinaire, je ne me suis pas senti en disposition de rendre toute la justice qu’ils méritaient à quelques uns de ces mets délicats. — Monsieur Meriton, je vous serai obligé de faire porter à la caserne le reste de cette oie sauvage ; mon laquais s’en chargera. Écoutez, comme la marche sera peut-être longue, et qu’on n’a pas toujours des vivres comme on veut, joignez-y la langue et une volaille, et un peu de ragoût ; nous pourrons le faire réchauffer dans quelque ferme. — Nous prendrons la pièce de bœuf, Mac-Fuse. — À propos, j’oubliais… Lionel aime beaucoup le jambon ; vous mettrez aussi le jambon, n’est-ce pas ? D’ailleurs, si nous sommes longtemps en route, il se gardera mieux que toute autre chose. — Et puis… je crois que cela suffira, Meriton.

— C’est bien heureux, s’écria Mac-Fuse, et j’en suis aussi ravi que je le serais d’entendre lire une proclamation de guerre à Charing-Cross[1]. La nature vous avait formé pour la cantine, Polwarth, ou tout au moins vous devriez être fournisseur d’armée.

— Riez tant qu’il vous plaira, Mac, reprit l’enjoué capitaine ; vous me remercierez demain, quand nous ferons halte pour déjeuner ; mais à présent je suis à vos ordres.

Dès qu’ils furent sortis de la maison, il continua : — J’espère que Gage n’a pas d’autre intention que de nous pousser un peu en avant, dans la vue de protéger les fourrageurs et d’assurer les

  1. C’est le nom d’une place de Londres.