Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/105

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enveloppait déjà la péninsule de Boston, comme si la nature elle-même eût voulu servir les desseins secrets du commandant anglais. Le son vif et aigu du fifre, accompagné du roulement du tambour, faisait retentir les collines nues qui entourent la ville ; par moments, le bruit éclatant du cor se faisait entendre dans la plaine, et, porté par la brise du soir, il venait mourir dans les rues étroites de l’autre côté de la ville. L’effet que produisaient ces trois instruments belliqueux fit tressaillir le jeune militaire, et le pénétra d’un triste plaisir, tandis qu’il marchait fièrement au son de la musique guerrière. Mais l’oreille la plus exercée n’aurait pu y distinguer autre chose que la retraite qu’on battait tous les soirs pour appeler les soldats au repos ; et, lorsque les échos des montagnes eurent répété pour la dernière fois les sons du cor, tout rentra dans le silence, et la ville parut dans un calme aussi parfait que si l’heure paisible de minuit eût déjà plongé tous ses habitants dans le sommeil.

Lionel s’arrêta un moment devant les portes de l’hôtel-de-ville de la province, et, après avoir jeté un coup d’œil rapide sur toutes les fenêtres, il adressa la parole au grenadier de garde, qui s’était arrêté à son tour pour l’observer.

— Il paraît qu’il y a compagnie là-dedans, sentinelle, dit-il, à en juger par la clarté dont toutes ces fenêtres sont éclairées ?

Les armes et l’uniforme de Lionel apprirent au grenadier qu’il parlait à son supérieur, et il répondit avec respect : — Il ne convient pas à un simple soldat comme moi de vouloir connaître ce que font ses chefs, Votre Honneur ; mais j’étais en faction devant le quartier du général Wolf la nuit même où nous partîmes pour les plaines d’Abraham ; et je crois qu’un vieux soldat peut juger qu’il se prépare quelque mouvement important, sans adresser à ses supérieurs d’impertinentes questions.

— Je suppose, d’après votre remarque, que le général tient conseil ce soir.

— Il n’est entré, depuis que je suis à mon poste, Monsieur, que le lieutenant-colonel du 10e, le grand lord de Northumberland[1], et le vieux major de marine : c’est un vrai lougre de guerre, Votre Honneur, que ce vétéran, et ordinairement ce n’est pas pour rien qu’il vient ici.

— Bonsoir, mon vieux camarade, dit Lionel en continuant son

  1. Le compte de Percy, fils du duc de Northumberland.