Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

’serait un service délicieux ! Il serait dispensé de la plupart de ces vilaines manœuvres, et surtout de ce nouveau genre d’exercice qui met à la torture. Ce serait le beau idéal de la vie militaire. Ni le corps ni l’imagination ne peuvent désirer de position plus agréable que celle où nous nous trouvons maintenant, et pourtant, je vous le demande, à quoi nous servent nos jambes ? S’il y a quelque chose à dire, elles ne font que nous gêner dans cette barque. Ici, nous avons la douce clarté de la lune, des siéges plus doux encore, une eau pure et limpide, un air vif et frais qui réveille l’appétit ; d’un côté une contrée charmante que nous apercevons à peine, mais que nous savons être riche et fertile, et de l’autre une ville pittoresque, où toutes les températures se trouvent réunies. Il n’y a point jusqu’à ces figures hétéroclites de soldats qui ne gagnent à être vues au clair de lune, avec leurs habits écarlates et leurs armes resplendissantes. — Dites-moi, avez-vous vu miss Danforth dans la visite que vous avez rendue à Tremont-Street, major Lincoln ?

— Ce plaisir ne m’a pas été refusé.

— Savait-elle quelque chose de cette expédition martiale ?

— Elle avait lhumeur extrêmement belligérante.

— Vous a-t-elle parlé de l’infanterie légère, ou de quelqu’un qui servît dans ce corps ?

— Votre nom a été prononcé en effet, reprit Lionel d’un air un peu railleur ; elle a fait entendre que les poulaillers allaient courir de grands dangers.

— Ah ! c’est une fille incomparable ! Ses plaisanteries les plus piquantes sont d’une douceur infinie. Il est certain que celui qui a formé son caractère n’y a pas épargné les épices ; il en a mis au moins une double dose. Oh ! que je voudrais qu’elle fût ici avec nous ! Cinq minutes de clair de lune pour un homme amoureux valent tout un été de soleil brûlant. Ce serait un coup de maître de l’attirer dans une de nos expéditions romanesques. C’est que je suis toujours le même, voyez-vous, toujours disposé à prendre tout par surprise, femmes et fortifications. Que font maintenant les compagnies restées dans la ville, votre artillerie et vos dragons, vos ingénieurs et votre état-major ? Ils ont tous le bonnet sur l’oreille et ronflent à qui mieux mieux, tandis que, nous, nous jouissons ici de la quintessence de la vie. Que ne donnerais-je pas pour entendre chanter un rossignol !