Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/122

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D’abord tout le pays semblait plongé dans un profond sommeil ; mais, à mesure que les troupes allèrent en avant, les aboiements des chiens et le bruit des pas des soldats attirèrent à leurs fenêtres les habitants des fermes, qui, dans un muet étonnement, regardèrent défiler les troupes sur lesquelles la lune jetait une vive clarté. Lionel tournait la tête pour observer la surprise peinte sur les traits des membres d’une de ces familles qui avaient été troublées dans leur sommeil, lorsque le bruit sourd et lointain d’une cloche d’église vint frapper son oreille ; elle sonnait coup sur coup, évidemment pour donner le signal d’alarme. Ce bruit retentissait avec une sorte de majesté le long de la vallée dans laquelle ils venaient d’entrer.

Tous les soldats penchèrent aussitôt la tête pour écouter avec attention, et bientôt des décharges d’armes à feu se firent entendre au milieu des collines ; les cloches commencèrent à se répondre dans toutes les directions, et les sons, répétés par les échos d’alentour, allèrent se perdre dans l’éloignement. On n’entendit alors de tous côtés que les instruments et les carillons de toute espèce que le peuple avait à sa disposition, ou qu’il sut inventer pour appeler la population aux armes. Des feux furent allumés sur toutes les hauteurs. Le bruit des cornemuses et des trompettes marines se mêlait à celui des décharges de mousqueterie et aux sons variés des cloches, tandis qu’on entendait retentir des pas de chevaux, comme si ceux qui les montaient passaient au grand galop le long des flancs du bataillon.

— En avant ! Messieurs, en avant ! s’écria le vétéran de marine au milieu de ce tintamare ; les Yankies sont réveillés, et ils se remuent ; nous avons encore une longue route à faire. En avant ! l’infanterie légère ; les grenadiers sont sur vos talons !

L’avant-garde doubla le pas, et tout le détachement s’avança avec autant de vitesse que la nécessité d’observer les rangs pouvait le permettre. Ils continuèrent à marcher pendant plusieurs heures sans s’arrêter, et Lionel calcula qu’ils avaient dû faire plusieurs lieues dans l’intérieur du pays. Ces sons d’alarme avaient alors cessé ; ils s’étaient perdus dans les terres, et se répétaient sans doute à une trop grande distance pour qu’ils pussent parvenir jusqu’à eux ; mais le bruit des chevaux qui se précipitaient le long des bas-côtés de la route annonçait que des hommes continuaient à les dépasser pour courir les premiers au lieu où ils s’at-