Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/121

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— Avancez, avancez, infanterie légère ! s’écria la voix rauque du vieil officier de marine qui les suivait à cheval à peu de distance ; la vue de l’eau vous fait-elle peur ?

— Nous ne sommes pas des rats d’eau, dit Polwarth.

Lionel le saisit par le bras, et, avant que le capitaine interdit eût le temps de revenir de sa stupeur, il fut entraîné au milieu d’un marais d’eau stagnante, où il enfonçait jusqu’à mi-jambe.

— Prenez garde que vos réflexions ne vous coûtent votre brevet, lui dit son ami, tandis que Polwarth barbotait au milieu du marécage ; voici un incident qui du moins pourra figurer avec avantage sur le journal de votre campagne.

— Ah ! Lionel, dit Polwarth avec une sorte de regret comique ; je crains bien qu’il ne faille renoncer à aller faire notre cour aux muses par ce beau clair de lune !

— Vous pouvez en être certain ; ne voyez-vous pas que nous laissons les toits académiques à notre gauche ? Nos guides prennent la grande route.

Ils étaient alors sortis des prairies marécageuses, et se dirigeaient du côté d’un chemin qui conduisait dans l’intérieur du pays.

— Vous feriez bien d’appeler votre valet et de monter à cheval, major Lincoln, dit Polwarth d’un ton douloureux ; il faut faire provision de forces, à ce que je vois.

— Ce serait une folie à présent ; je suis trempé, et, par prudence, il faut que je continue à marcher.

La bonne humeur de Polwarth était passée ; la conversation commença à languir un peu. Ils ne s’adressaient plus que quelques mots par moments sur les incidents que pouvait offrir le voyage. Il n’y eut bientôt plus lieu de douter, par la direction donnée aux colonnes, ainsi que par les pas précipités de leur guide, que la marche ne dût être forcée et de quelque longueur. Mais, comme l’air commençait à se rafraîchir, Polwarth lui-même ne fut pas très-fâché de réchauffer ses membres engourdis par un exercice plus qu’ordinaire. Les colonnes s’élargirent pour donner plus d’aisance aux soldats, quoiqu’ils continuassent à garder leurs rangs et à marcher au pas avec leurs camarades. De cette manière le détachement s’avançait rapidement et en silence, comme si chacun eût senti l’importance de l’entreprise qui lui était confiée.