Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/141

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— De l’occupation ! Dieu sait qu’il n’y a pas dans tout mon corps un muscle, un nerf, une jointure, qui ait été dans un état de repos salutaire depuis vingt-quatre heures ! Se tournant alors vers ses soldats, il leur cria d’un ton si vif et si animé, en marchant à leur tête à la rencontre de l’ennemi, qu’il semblait que ce fût le dernier effort de la nature épuisée :

— Dispersez ces chiens, mes braves ! chassez-les comme des cousins, comme des mosquites, comme des sangsues qu’ils sont. Donnez-leur une indigestion de plomb et d’acier !

— En avant l’avant-garde ! cria le vieux major de marine, qui vit le premier rang s’arrêter.

La voix de Polwarth se faisait entendre au milieu du tumulte et il ne lui fallut qu’une charge pour repousser des ennemis indisciplinés.

— En avant ! en avant l’avant-garde ! crièrent plus loin une cinquantaine de voix au milieu d’un tourbillon de fumée qui partait du penchant d’une colline où la rencontre avait eu lieu.

Cette guerre de partisans continua ainsi pendant plusieurs milles, l’ennemi harcelant sans cesse les flancs du corps d’armée et suivant les pas lourds et fatigués des soldats anglais, qu’il laissaient partout sur leur route des traces sanglantes de leur passage. En portant les yeux du côté du nord, on distinguait de larges taches rouges, tant sur la route que dans les champs où quelque engagement partiel avait eu lieu.

Pendant quelques intervalles de repos, Lionel trouva le temps de remarquer la différence qui existait entre les combattants. Toutes les fois que le terrain ou les circonstances permettait une attaque régulière, la confiance des soldats anglais semblait renaître, et ils marchaient à la charge avec cette hardiesse qu’inspire la discipline, en faisant retentir l’air de leurs cris, tandis les Américains se retiraient en silence, mais non sans se servir de leurs armes à feu avec une dextérité qui les rendait doublement dangereuses. La direction des colonnes faisait quelquefois partir le corps d’armée sur un terrain qui avait été disputé à l’avant-garde, et l’on y trouvait les victimes de ces courtes escarmouches. Il fallait pourtant fermer l’oreille aux plainte set aux prières des blessés qui voyaient avec horreur et désespoir leurs camarades s’éloigner. Au contraire, l’Américain baigné dans son sang semblait oublier ses souffrances pour jeter sur les soldats qui