Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/143

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— Je prépare un discours pour le premier Yankie qui s’approchera de moi ; s’il a dans le cœur quelque chose d’humain, il versera des larmes au récit de tout ce que j’ai souffert aujourd’hui ; si c’est un sauvage, il épargnera à mes héritiers les frais de mes funérailles.

Lionel aurait continué ses remontrances, mais une rencontre entre deux partis avait lieu à quelque distance ; il vit les Anglais fuir devant les Américains ; il courut à la hâte, rallia les soldats, et changea la fortune du combat. Cependant la résistance fut vive, et, pendant les vicissitudes de l’action, il se trouva seul tout à coup dans le voisinage dangereux d’un petit bois. L’ordre qu’il entendit : — Feu sur cet officier ! l’avertit du danger imminent qu’il courait. Il se baissait sur le cou de son cheval pour tâcher d’éviter la volée de balles dont il était menacé, quand une voix, partant du milieu des Américains, s’écria d’un ton qui le fit tressaillir.

— Épargnez-le ! pour l’amour du dieu que vous adorez, épargnez-le !

Accablé d’une sensation indéfinissable, il ne songea pas à fuir, et levant les yeux, il vit le vieux Ralph, courant avec agilité le long de la lisière du bois, abaissant les fusils d’une vingtaine d’Américains, et répétant ses cris d’une voix qui ne semblait os appartenir à un être humain. Au même instant, et dans la confusion de ses idées, il se crut prisonnier, car un jeune homme, qui s’était glissé hors du bois, saisit la bride de son cheval, et lui dit :

— C’est un jour de sang, major Lincoln, et Dieu ne l’oubliera pas. Mais si vous voulez descendre la colline en droite ligne, vous ne risquez rien, parce qu’on ne tirera pas sur vous de peur de blesser Job ; et quand Job tirera, ce sera sur ce grenadier qui monte par-dessus la muraille, et personne n’en entendra jamais parler dans Funnel-Hall.

Lionel partit plus vite que la pensée, et fit prendre le grand galop à son cheval : tout en descendant la hauteur, il entendit les cris que les Américains poussaient derrière lui, le bruit du coup de mousquet que tira Job, et le sifflement de la balle qui prenait la direction qu’il avait annoncée. Lorsqu’il fut arrivé dans un endroit où il était moins en danger, il vit Pitcairn qui descendait de cheval, car les attaques personnelles des colons faisaient qu’il