Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/144

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était imprudent à un officier de se montrer ainsi, de manière à pouvoir servir de point de mire. Lionel attachait beaucoup de prix à son coursier, mais il avait eu de si bonnes preuves du danger que sa situation élevée lui faisait courir, qu’il se vit obligé de suivre cet exemple, quoique à son grand regret, et d’abandonner ce noble animal à son sort. Il sa joignit ensuite à une autre troupe de combattants, et continua à les animer à de nouveaux efforts pendant tout le reste du chemin.

Du moment que les clochers de Boston se montrèrent aux yeux des soldats, la lutte devint plus animée. Cette vue sembla rendre de nouvelles forces à leurs corps exténués de fatigue, et, reprenant un air martial, ils soutinrent toutes les attaques avec une nouvelle intrépidité. De leur côté, les Américains semblaient sentir que les instants accordés à la vengeance s’écoulaient rapidement, et les jeunes gens, les vieillards, même les blessés, se pressaient autour de leurs agresseurs comme pour leur porter un dernier coup. On vit même les paisibles ministres de Dieu se mettre en campagne en cette occasion mémorable, se joindre à leurs paroissiens, et partager leurs dangers dans une cause qu’ils regardaient comme d’accord avec les devoirs de leur saint ministère.

Le soleil allait quitter l’horizon, et la situation du corps d’armée devenait presque désespérée, quand Percy renonça au projet qu’il avait conçu de regagner le Neck, qu’il avait traversé si fièrement le matin en sortant de Boston, et il fit les derniers efforts pour ramener les restes de ses troupes dans la péninsule de Charlestown. Le sommet et la rampe de chaque hauteur étaient couverts d’Américains armés, et, l’ombre de la nuit arrivant, l’espoir d’anéantir entièrement ce corps d’armée fit battre leur cœur, quand ils virent que l’excès de la fatigue forçait les soldats anglais à ralentir leur feu. Cependant la discipline l’emporta, sauva les débris des deux détachements réunis, et leur permit d’atteindre l’étroit passage qui pouvait seul les mettre en sûreté, à l’instant où les ténèbres allaient déterminer leur perte.

Lionel s’appuya contre une haie, et regarda défiler lentement et pesamment devant lui ces hommes qui, quelques heures auparavant, se seraient crus en état d’imprimer la terreur à toutes les colonies[1], et qui maintenant traînaient péniblement leurs mem-

  1. Il est bon de ne pas oublier qu’un officier anglais de haut rang avança dans le parlement, dont il était membre, que 2,000 soldats anglais pourraient se frayer un chemin à travers toutes les provinces américaines.