Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/150

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— Qui pourrait dire le contraire ? s’écria le capitaine : c’est un moyen infaillible pour une jeune personne de découvrir le secret de ses inclinations. Des milliers ont vécut dans l’ignorance de leurs propres sentiments, jusqu’à ce que la compassion ait été éveillée en elles. Mais que signifie cette question, belle Agnès ? la faites vous pour me tourmenter, ou avez-vous enfin pitié de tout ce que je souffre ?

— Je crains que cela ne soit que trop vrai, Polwarth, dit Agnès en secouant la tête et en cherchant à s’armer de gravité.

Polwarth, commençant à s’animer, s’approcha de la jeune étourdie que cette scène amusait beaucoup, et lui dit en voulant lui prendre la main :

— Vous me rendez la vie en me parlant ainsi. Depuis six mois vos rigueurs m’ont fait mener une vie bien triste ; mais un seul mot de compassion sortant de votre bouche est un baume bienfaisant qui guérit toutes mes blessures.

— En ce cas ma compassion s’évanouit, dit Agnès en reculent d’un pas. Pendant cette longue journée d’inquiétude, je me suis crue plus vieille que ma bonne et grave grand’tante. Toutes les fois que certaines pensées se présentaient à mon esprit, il me semblait que j’étais assaillie de tous les maux qui affligent la vieillesse ; goutte, rhumatisme, asthme, et je ne sais combien d’autres maladies qui ne conviennent nullement à une fille de dix-neuf ans ; mais vous m’avez éclairée, et vous avez soulagé mes craintes en m’apprenant que c’était l’effet de la compassion. Voyez quelle femme vous auriez, Polwarth, si dans un moment de faiblesse je consentais à vous épouser, moi qui ai déjà tant souffert en songeant aux maux que vous éprouviez !

— Un homme n’est pas un balancier de pendule pour être toujours en mouvement sans éprouver de fatigue, miss Danforth, répondit le capitaine plus piqué qu’il n’osait le montrer, et cependant je me flatte qu’il n’existe pas un seul officier de l’infanterie légère qui ait fait en vingt-quatre heures plus de chemin que l’homme qui, après ses exploits, ne pense qu’à se jeter à vos pieds, et qui oublie le repos dont il a un besoin si extraordinaire.

— Capitaine Polwarth, dit Agnès en se levant, je vous remercie de cette politesse, si c’en est une ; mais, ajouta-t-elle en abandonnant toute affectation et en se livrant aux sentiments naturels qui brillaient dans ses yeux et dans tous ses traits, l’homme qui