Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/151

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voudra occuper ici cette place, et elle appuya sa main sur son cœur, ne devra pas venir se jeter à mes pieds, comme vous le dites, en sortant d’un combat où il a versé le sang de mes concitoyens, en cherchant à donner des fers à mon pays. Excusez-moi, Monsieur, voici le major Lincoln ; il est ici gomme chez lui, je lui laisse le soin de vous faire les honneurs de la maison.

Lionel entrait comme elle prononçait ces mots, et elle passa près de lui en se retirant.

— J’aimerais mieux être cheval de messagerie ou valet de pied que d’être amoureux ! s’écria Polwarth. C’est une vie diabolique, Lionel, et cette jeune fille me traite comme un cheval de fiacre ! Mais quels yeux elle a ! Je pourrais y allumer mon cigare. Sur mon âme ! mon cœur n’est qu’un tas de cendres. Mais qu’avez-vous donc, Lionel ? pendant toute cette maudite journée je ne vous ai pas encore vu l’air aussi troublé.

— Retirons-nous et rentrons chez moi, répondit le major dont l’aspect indiquait effectivement un grand trouble d’esprit : il est temps de songer à réparer les désastres de notre marche.

— Croyez-vous que je n’y aie pas déjà songé ? dit Polwarth en se levant et en s’efforçant de suivre les pas rapides de son compagnon, non sans quelques grimaces arrachées par la fatigue. Mon premier soin, en vous quittant, a été d’emprunter le cabriolet d’un de mes amis, et de me rendre chez vous pour y donner les ordres nécessaires. Mon second a été d’écrire au petit Jemmy Craig, pour lui offrir l’échange de ma compagnie contre la sienne ; car, à compter de ce jour, je ne veux plus de vos mouvements d’infanterie légère, et je saisirai la première occasion de rentrer dans les dragons. Quand j’y aurai réussi, major Lincoln, je vous ferai des propositions pour votre cheval. Après avoir accompli ce devoir, car la conservation de soi-même est un devoir pour l’homme, j’ai préparé un menu que j’ai remis à Meriton, afin qu’il n’oublie rien ; après quoi, Lionel, je suis venu comme vous me jeter aux pieds de ma maîtresse. Mais vous êtes un heureux mortel, major Lincoln ; vous avez été accueilli par les sourires de la beauté, tandis que…

— Ne me parlez ni de sourire ni de beauté, s’écria Lionel avec impatience, toutes les femmes se ressemblent : elles sont toutes capricieuses et inconcevables.

— Oh ! oh ! dit Polwarth en jetant les yeux autour de lui d’un