Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/182

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tout autour de la pièce où elle se trouvait. Lionel attendit sa réponse quelques instants, mais voyant qu’elle gardait un silence obstiné, il reprit la parole :

— D’après ce qui s’est déjà passé, vous devez savoir que j’ai de bonnes raisons pour croire que je suis grandement intéressé dans vos secrets. Faites donc l’aveu de la faute dont vous vous êtes rendue coupable, et qui semble accabler d’un si grand poids votre conscience ; et en retour de cette confidence, je vous promets le pardon et ma protection.

Lionel la pressant si vivement sur le point qu’il avait fort à cœur, elle s’éloigna de lui de quelques pas tandis qu’il lui parlait ainsi, et ses traits, perdant l’expression remarquable de repentir qu’ils avaient eue, prirent celle d’une surprise forcée, qui prouva qu’elle n’était pas novice en dissimulation, quels que pussent être les reproches que sa conscience lui faisait de temps en temps.

— Coupable ! répéta-t-elle d’une voix lente et un peu tremblante ; nous sommes tous coupables, et nous serions tous des créatures perdues sans le sang de notre divin Rédempteur.

— Sans contredit ; mais vous avez parlé de crimes qui violent les lois des hommes aussi bien que celles de Dieu.

— Moi, monsieur Lincoln ! moi violer les lois des hommes ! s’écria Abigaïl tout en affectant de s’occuper à mettre plus d’ordre dans la chambre, ce n’est pas une femme comme moi qui peut avoir le loisir et le courage de violer les lois. Le major Lincoln veut faire parler une pauvre femme pour en faire des gorges chaudes avec ses compagnons en dînant. Il est certain que nous avons tous un fardeau de fautes à supporter. Sûrement le major Lincoln n’a pas entendu dimanche dernier le sermon du ministre Hunt sur les péchés de la ville.

Lionel rougit du reproche artificieux que lui faisait cette femme de vouloir abuser de la faiblesse de son sexe et de sa malheureuse situation pour lui arracher ses secrets, et très-mécontent intérieurement de la duplicité qu’il voyait en elle, il devint plus réservé dans ses discours, et employa les moyens de douceur et de persuasion pour en obtenir les aveux qu’il désirait tant ; mais toutes ses tentatives furent inutiles, Abigaïl se tenant sur la défensive avec autant d’adresse qu’il en employait pour l’attaque. Tout ce qu’il put en arracher fut des expressions d’étonnement sur sa méprise : il avait en tort de s’imaginer qu’elle eût à