Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

finissable, se melât à ses réflexions, car il était évident qu’il cherchait à le repousser, et il reprit la parole avec une apparence forcée d’enjouement.

— Oui, oui, je me rappelle fort bien le pauvre Job. C’est un drôle qu’on n’oublie pas aisément quand on l’a une fois vu et connu. Il avait coutume autrefois de s’attacher à tous mes pas ; mais je suppose que, comme le reste des hommes, il oublie bientôt ceux qu’il ne voit plus.

— Vous ne lui rendez pas justice, Lionel ; non seulement il me demande toujours des nouvelles de votre santé, à sa manière, j’en conviens, mais il me semble même quelquefois en être mieux informé que moi-même, et il me paie les réponses que je fais à ses questions en me disant comment vous vous trouvez, au lieu de l’apprendre de moi, ce que j’ai surtout remarqué depuis l’extraction de la balle.

— Cela semble fort étrange ! dit Lionel reprenant un air pensif.

— Pas si étrange, Lionel. Cet idiot ne manque pas d’une certaine sagacité d’instinct, comme il en donnait des preuves par le choix qu’il savait faire des mets, quand il assistait aux dîners que nous faisions en joyeux trio, vous, Mac-Fuse et moi, chez notre ancien hôte Seth Sage. Ah ! Lionel, nous pourrons voir des palais plus judicieux et plus exercés, mais où trouverons-nous jamais un ami semblable ? un homme qui pouvait manger et plaisanter en même temps, boire et se quereller tout d’une haleine ! Pauvre Mac ! le voilà parti pour toujours ! Il avait un esprit qui produisait sur la monotonie de la vie le même effet que produisent les assaisonnements sur l’appétit.

Meriton, qui brossait l’habit de son maître, soin qu’il ne manquait pas de prendre tous les jours, quoique le major n’en eût pas porté depuis plus de six mois, jeta un regard à la dérobée sur Lionel, et voyant qu’il semblait déterminé à garder le silence, il crut pouvoir se permettre de continuer la conversation avec le capitaine.

— Oui ! Monsieur, dit-il, c’était un aimable homme que le capitaine Mac-Fuse, et il combattait pour le roi avec autant de bravoure que qui que ce soit dans l’armée. C’était bien dommage qu’un si bel homme n’eût pas plus de goût pour sa mise, mais c’est en quoi il n’est pas donné à tout le monde de réussir. Cependant chacun convient que c’est une grande perte pour l’armée, et on a