Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/240

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raison, car on voit dans la ville des officiers qui portent si mal leurs épaulettes, que s’ils étaient tués dans quelque escarmouche, personne ne songerait à eux.

— Ah ! Meriton ! s’écria Polwarth, je vois que vous êtes meilleur observateur que je ne le supposais. Mac avait en lui tous les éléments d’un homme, quoique quelques-uns n’eussent pas encore pris leur développement. Il y avait dans son caractère une saveur qui épiçait toutes les conversations auxquelles il prenait part. Et dites-moi, Meriton, le pauvre diable a-t-il été convenablement traité la dernière fois qu’il a figuré en ce monde ?

— Oui, Monsieur, oui ; nous lui avons fait des funérailles aussi splendides qu’on en pourrait voir à Londres. Il fut suivi par ceux qui n’étaient ni morts ni blessés, ce qui en faisait à peu près la moitié. Comme je savais l’amitié que mon maître avait pour lui, je me chargeai de sa dernière coiffure : je lui arrangeai les moustaches, et comme ses cheveux commençaient à grisonner un peu, j’y jetai un nuage de poudre, de sorte qu’on peut dire que le capitaine Mac-Fuse fut le plus beau mort enterré à Boston.

Les yeux de Polwarth étaient humides, et il se moucha avec un bruit qui ressemblait au son du clairon.

— Oui, oui, dit-il, le temps et les fatigues avaient blanchi prématurément la tête du pauvre diable ; mais c’est une consolation de savoir qu’il est mort en soldat, et non par les mains de ce boucher vulgaire, la nature, et qu’étant mort il a été enterré avec les honneurs qu’il méritait.

— Sans contredit, Monsieur, dit Meriton en prenant un air de gravité convenable à la circonstance, il a été suivi par un cortège magnifique ! On peut tirer bon parti de l’uniforme de Sa Majesté dans ces occasions solennelles, et il produisait certainement un grand effet ! Me parliez-vous, Monsieur ? ajouta-t-il en se tournant vers son maître.

— Oui, dit Lionel avec un ton d’impatience ; ôtez la nappe, et allez vous informer s’il est arrivé des lettres pour moi.

Le valet obéit sur-le-champ, et, après quelques instants de silence, la conversation se renoua entre les deux amis sur des sujets moins douloureux.

Polwarth étant très-communicatif, Lionel en obtint bientôt une relation succincte, et, pour rendre justice au capitaine, nous devons ajouter extrêmement impartiale, de la situation des forces