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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/255

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— Oui, mais si vous n’apprenez à garder le silence, j’oublierai ma promesse, et je vous abandonnerais la colère de tous les grenadiers qui sont dans la ville.

— Oui, dit Job avec l’air de satisfaction d’un idiot, mais il n’en reste plus que la moitié ; les autres sont morts. Job a entendu le plus grand d’entre eux crier comme un lion enragé le jour de la bataille : — Hurra pour Royal-Irlandais ! Mais il n’en a pas dit davantage, quoique Job n’ait pas trouvé de meilleur appui pour son fusil que l’épaule d’un mort.

— Misérable ! s’écria Lionel en reculant avec horreur, vos mains sont-elles donc teintes du sang de Mac-Fuse ?

— Mes mains ? répéta l’idiot sans se déconcerter ; Job ne l’a pas touché avec ses mains ; il est mort comme un chien, à l’endroit où il est tombé.

Toutes les idées de Lionel furent un moment en confusion ; mais un bruit auquel il ne pouvait se méprendre lui annonçant l’arrivée de Polwarth, il dit à la hâte d’une voix tremblante d’émotion :

— Partez, drôle ; allez chez Mrs Lechmere comme je vous l’ordonne, et dites… dites à Meriton d’avoir soin de mon feu.

L’idiot fit un mouvement pour obéir, mais s’arrêtant tout à coup, il leva les yeux sur le major, et lui dit d’un air souffrant et avec un ton suppliant :

— Job est engourdi de froid. La vieille Nab et Job ne peuvent avoir de bois à présent ; le roi paie des soldats qui se battent pour le prendre. Permettez à Job de se réchauffer un peu, ses membres sont froids comme la mort.

Touché de cette demande et de l’air de misère de l’idiot, Lionel lui fit un signe de consentement, et se détourna pour joindre son ami. Il ne fut pas nécessaire que Polwarth parlât pour apprendre au major que le capitaine avait entendu une partie de la conversation qui venait d’avoir lieu entre Job et lui ; il vit clairement, à son attitude et à l’expression de sa physionomie, qu’il était instruit de ce qu’il aurait voulu lui cacher, et que ce qu’il avait appris avait fait sur lui une forte impression.

— Ne vous ai-je pas entendu prononcer le nom de Mac-Fuse ? demanda Polwarth en suivant des yeux l’idiot, qui s’avançait dans la rue couverte de neige et de glace.

— C’était quelque nouvelle sottise de cet imbécile, répondit Lionel. Mais par quel hasard n’êtes-vous pas dans l’église ?