Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/268

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délicatesse se fût trouvée blessée, et elle dit à son amant avec un triste sourire :

— La maladie a rendu ma bonne maman timide et faible ; excusez le désir que j’ai d’être un moment seule avec elle.

— Je vous quitte, Cécile, dit Lionel ; mais si vous attribuez mon silence à toute autre cause qu’à la crainte de vous déplaire, vous êtes injuste à la fois envers vous-même et envers moi.

Les regards de Cécile lui exprimèrent seuls sa reconnaissance, et il se retira immédiatement dans sa chambre pour y attendre le résultat de leur conversation. La demi-heure que Lionel passa dans son appartement lui parut un demi-siècle, et au bout de ce temps Meriton vint lui annoncer que Mrs Lechmere le priait de se rendre auprès d’elle.

Le premier regard qu’elle jeta sur Lionel lui apprit qu’elle avait gagné sa cause. Sa tante était retombée sur ses oreillers, et sa physionomie rigide avait une telle expression de satisfaction égoïste, qu’il regretta presque qu’elle eût réussi. Mais lorsqu’il jeta les yeux sur Cécile et qu’il rencontra son timide regard encore voilé par des larmes, il oublia tout le reste, et il sentit que, puisqu’il était sûr qu’en se donnant à lui elle ne faisait point violence à ses sentiments, il lui importait peu de savoir à quelle considération elle avait cédé pour consentir à avancer son bonheur.

— En cherchant à deviner mon sort, je pense à votre bonté, l’espoir se glisse dans mon âme, dit-il en s’approchant d’elle ; mais si je réfléchis à mon propre mérite, je sens que les chances ne sont plus en ma faveur.

— Peut-être y avait-il de l’enfantillage à moi, Lincoln, dit-elle en souriant à travers ses larmes et en plaçant avec franchise sa main dans la sienne, d’hésiter pour quelques jours de plus ou de moins, lorsque je me sens prête à consacrer ma vie entière à votre bonheur. Ma bonne maman désire que je me place immédiatement sous votre protection.

— Ainsi donc c’est ce soir que nous serons unis pour jamais ?

— Je vous prie de croire qu’il n’y a pas une véritable obligation à ce que la cérémonie se fasse ce soir même, si vous y trouvez le moindre obstacle.

— Il ne peut y en avoir, interrompit Lionel. Les formalités du mariage sont heureusement très-simples dans les colonies, et nous avons le consentement de ceux qui ont des droits sur nous.