Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grave et composé qui le déconcerta, et il oublia le compliment fleuri qu’il avait préparé pour ouvrir les voies, afin de profiter en vrai militaire du petit avantage qu’il se flattait d’avoir obtenu dans la bonne opinion de celle qu’il aimait. Changeant aussitôt l’expression de ses traits et composant son maintien sur celui de miss Danforth, Polwarth se contenta d’exprimer la part qu’il prenait au malheur arrivé dans la famille, et demanda s’il serait assez heureux pour pouvoir lui être utile en quelque chose.

— La mort est entrée dans cette maison, capitaine Polwarth, dit Agnès, et sa visite a été soudaine et inattendue. Pour ajouter à notre détresse, le major Lincoln a disparu.

En prononçant ces mots, Agnès tenait ses regards attachés sur la figure du capitaine, comme si elle s’attendait à y lire l’explication de l’absence inexplicable de Lionel.

— Lionel Lincoln n’est pas homme à fuir parce que la mort approche, reprit le capitaine d’un air pensif, et je le crois encore moins capable d’abandonner à sa douleur une aussi charmante personne que celle qu’il a épousée ; peut-être est-il allé chercher des secours, un médecin.

— Non, c’est impossible. D’après les phrases incohérentes échappées à Cécile, j’ai pu comprendre que lui et un tiers que je ne connais pas étaient restés seuls avec ma tante, et ils ont dû être témoins de sa mort, car la figure était recouverte. Lorsque je suis montée, j’ai trouvé la mariée étendue sans connaissance dans la chambre que Lionel occupait ici, toutes les portes ouvertes, et tout annonçant que lui et son compagnon inconnu avaient quitté la maison par l’escalier dérobé qui communique à la porte de l’ouest. Comme ma cousine peut à peine parler, nous n’avons aucun autre indice qui puisse nous mettre sur la trace de son mari, à moins que cet ornement que j’ai vu briller au milieu des cendres ne puisse nous en servir. C’est, je crois, un hausse-col militaire ?

— Oui, c’en est un, et celui qui le portait a dû passer un mauvais quart-d’heure, à en juger par ce trou qu’une balle a fait au milieu. Eh ! de par le ciel ! c’est celui de Mac-Fuse ! Voici bien le numéro du 18e, et je reconnais ces petites marques que le pauvre diable avait coutume d’y faire à chaque bataille ; car il ne manquait jamais de le porter. Ce cher Mac-Fuse, il n’en fera plus à présent.