Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mença à se refroidir, et au milieu de cinquante voix qui criaient en même temps, il s’efforça de faire entendre la sienne. Mais on ne fit aucune attention à sa présence, car il adressait ses remontrances à des furieux que la soif de la vengeance animait.

— Arrachez-lui ces haillons ! cria l’un ; ce n’est pas une créature humaine ; c’est un enfant du diable sous la forme d’un homme !

— Un pareil goujat avoir assassiné la fleur de l’armée anglaise ! dit un autre ; sa petite vérole est une maudite invention de Belzébuth pour le sauver de ce qu’il a si bien mérité.

— Sans doute, ajouta un troisième, qui, même dans sa colère ne pouvait oublier la gaieté irlandaise ; une pareille maladie ne peut être qu’une invention du diable. Mais prenez-y garde, camarades, ce diablotin pourrait la donner tout naturellement à toute la famille pour épargner les frais de l’inoculation.

— Avez-vous bientôt fini, Térence ? reprit le premier interlocuteur ; avez-vous le cœur de plaisanter quand sa mort n’est pas encore vengée ? Un tison ! un tison enflammé ! Faisons un feu de joie qui le brûle lui et son lit !

— Un tison ! un tison pour allumer le bûcher du diable ! s’écrièrent vingt voix à la fois.

Polwarth fit de nouveaux efforts pour se faire entendre, sans y réussir davantage, et ce ne fut que lorsque quelques soldats eurent annoncé d’un ton de désappointement qu’il n’y avait ni feu ni bois dans toute la maison, que le tumulte cessa un peu.

— Garde à vous ! garde à vous, vous dis-je ! s’écria un grenadier d’une taille gigantesque dont la colère s’était enflammée progressivement, comme les matières combustibles qui fermentent dans le sein d’un volcan un moment avant l’éruption ; j’ai ici du feu de quoi brûler une salamandre. Qu’il soit diable ou qu’il soit saint, je lui conseille de faire ses prières.

En parlant ainsi le drôle, qui était le seul qui eût un mousquet, coucha en joue le malheureux Job, qu’on vit frissonner de tous ses membres, par la crainte du danger qui le menaçait. Un autre instant aurait décidé du destin de l’idiot, si Polwarth n’eût rabattu le fusil d’un coup de canne, et ne se fût placé entre Job et son ennemi.

— De la modération, brave grenadier, dit-il en prenant prudemment un moyen terme entre le ton de l’autorité et celui de la persuasion ; pourquoi cette précipitation ? ce n’est point agir en