Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/377

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honneur pour vos chevaux, et pour faire honte à ces bêtes à cornes. L’animal qui est à notre droite doit être un tory ; on le voit à sa lenteur et à la répugnance qu’il montre à tirer pour le bien commun. Traitez-le en conséquence, l’ami, et en retour vous serez traité en bon whig[1] quand nous ferons une halte. Vous avez sans doute passé l’hiver à Boston, Madame ?

Cécile ne répondit que par une inclinations de tête.

— L’armée royale doit figurer plus avantageusement aux yeux d’une dame que celle des colons, — et cependant on convient qu’il se trouve parmi nous des gens qui ne manquent pas de connaissances militaires, et qui ont une certaine tournure martiale. — Et, en parlant ainsi, l’officier travaillait à faire sortir de dessous sa redingote la garde d’argent du grand sabre de son aïeul. — Les officiers au service du roi, Madame, vous donnent sans doute souvent à Boston des bals et des divertissements ?

— Je crois qu’on trouverait parmi les femmes de cette ville peu de cœurs disposés à partager leurs amusements.

— Que Dieu les en récompense ! Chaque boulet que nous jetons dans la ville est comme si nous tirions du sang de nos propres veines. Je suppose que les officiers du roi ne font plus si peu de cas des colons, depuis la petite affaire de Charleston.

— Personne ayant quelque intérêt à prendre aux événements de cette fatale journée, n’oubliera facilement l’impression qu’elle a produite.

Le jeune Américain fut trop frappé du son mélancolique de la voix de Cécile, tandis qu’elle parlait ainsi, pour ne pas se douter que, dans le triomphe de son cœur, il avait rouvert en elle quelque blessure que le temps n’avait pas encore bien guérie, et, après cette tentative malheureuse pour engager la conversation, il garda le silence, jusqu’au moment où ils entendirent le bruit d’une cavalcade nombreuse qui avançait. Au premier coude que fit la route, ils rencontreront une troupe de cavalerie qui courait au galop du côté de la hauteur qu’ils venaient de quitter. Le commandant de ce détachement s’arrêta en passant devant le chariot, et l’officier américain, voyant qu’il avait dessein de lui parler, ordonna au conducteur d’arrêter également.

  1. Ces dénominations de parti appartiennent plus spécialement à l’Angleterre ; mais à cette époque les Américains s’en servaient naturellement pour désigner la faction anglaise et la faction rebelle.