Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/393

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le monde que l’honnête paysan qui venait tout récemment de changer la bêche pour le mousquet.

Ralph ne laissa pas à la sentinelle le temps de délibérer, et lui faisant un signe de la main en forme d’adieu, il sortit de la maison avec son activité ordinaire, suivi de ses deux compagnons. Là ils se trouvèrent en présence du second soldat qui était de garde à la porte, double mesure de surveillance qui rendait leur situation plus embarrassante. Suivant l’exemple de leur vieux conducteur, Lionel et sa compagne tremblante s’avancèrent d’un air en apparence indifférent vers cette sentinelle, qui, à ce qu’il paraît, était plus attentive à son devoir que son camarade du vestibule. Leur barrant le chemin avec son mousquet de manière à annoncer qu’il voulait avoir une explication avec eux avant de permettre qu’ils passassent, il dit à Ralph d’un ton brusque :

— Que veut dire ceci, mon vieux ? Vous sortez par brigades de l’appartement du prisonnier. Un, deux, trois. Notre officier anglais pourrait être avec vous, et il en resterait encore deux par-derrière. Allons, allons, vieux papa, rendez-moi compte de vous et de ceux qui vous suivent ; car, pour vous parler plus clairement, il y a des gens qui vous soupçonnent de ne pas être autre chose qu’un espion de Howe, quoiqu’on vous permette de courir dans tout le camp comme vous le voulez. En bon Yankie, et cela se comprend facilement en anglais, vous avez été surpris en mauvaise compagnie tout récemment, et il a été grandement question de vous mettre sous les verrous aussi bien que votre camarade.

— Entendez-vous cela ? dit Ralph en souriant d’un air calme et s’adressant à ses compagnons au lieu de répondre à la sentinelle ; croyez-vous que les satellites soudoyés de la couronne soient aussi alertes ? Les esclaves ne dormiraient-ils pas, du moment que leurs tyrans ne seraient occupés que de leurs plaisirs ? Tel est l’effet de la liberté ! Son esprit consacre le dernier de ses adorateurs, et donne au simple soldat toutes les vertus du plus noble capitaine.

— Allez ! allez ! dit la sentinelle en remettant son fusil sur son épaule ; je crois qu’il n’y a rien à gagner à faire avec vous une guerre de paroles. Il faudrait que j’eusse passé une couple d’années là-bas dans les collèges pour bien comprendre tout ce que vous voulez dire, mais il y a un point sur lequel je vois que vous