Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/73

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et leurs remontrances simultanées fissent plus d’impression sur le parlement, mais pour réunir aussi toutes leurs forces au cas qu’un appel aux armes devînt nécessaire. Le thé resta dans les magasins ou fut renvoyé en Angleterre ; mais dans la ville de Boston un concours de circonstances porta le peuple à la mesure violente de jeter à la mer une grande quantité de cette marchandise que le patriotisme avait frappée de réprobation. Pour punir cet acte d’insubordination, qui arriva dans le commencement de 1774, le port de Boston fut interdit, et les mesures les plus rigoureuses furent prises contre une ville qu’on regardait comme le foyer de l’insurrection, afin de ramener le peuple au sentiment de sa dépendance du pouvoir britannique.

Quoique les colons eussent cessé de se plaindre aussitôt après la révocation de l’édit du timbre, le ferment de désunion qu’avait excité cet édit commençait à peine à s’épuiser, lorsque le droit sur le thé vint le faire éclater de nouveau. Depuis 1763 jusqu’à l’époque de cette histoire, tous les jeunes gens des provinces étaient devenus des hommes ; mais ils n’étaient plus pénétrés de ce profond respect pour la mère-patrie qu’ils avaient reçu de leurs ancêtres, ni de ce dévouement à la couronne qui caractérise ordinairement les peuples qui ne voient la pompe de la royauté qu’à travers le prisme de l’éloignement. Néanmoins, ceux qui guidaient les sentiments des Américains et les engageaient à résister à l’oppression, étaient loin de désirer le démembrement de l’empire, mesure qu’ils regardaient comme impolitique et contre nature.

Tout en éprouvant une égale répugnance pour l’effusion du sang, les deux partis se préparaient pour la lutte finale qui paraissait inévitable. La situation des colonies en ce moment offrait un aspect si extraordinaire, qu’il est douteux que l’histoire en présente jamais un pareil exemple. Ils protestaient de leur fidélité au roi, tandis que toutes les lois qui émanaient de ses conseillers étaient méprisées et regardées comme non avenues. Chaque province avait son gouvernement distinct, sur lequel jusqu’alors la couronne avait eu une influence presque sans bornes ; mais le temps était venu où cette autorité était remplacée par une force morale qui défiait les machinations et les intrigues du ministère. Les corps politiques des provinces, où les enfants de la liberté[1] (c’est ainsi qu’on appelait ceux qui résis-

  1. Sons of liberty.