Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/80

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ses propres préjugés avec une grâce et une gaieté qui la rendit bientôt la favorite de son cousin anglais, car c’était ainsi qu’elle appelait Lionel. La conduite de Cécile Dynevor était beaucoup plus singulière, parfois même tout à fait inexplicable. Pendant des jours entiers elle était réservée, silencieuse et hautaine ; et tout à coup, sans raison, et comme par une impulsion subite, son humeur devenait douce et facile ; toute son âme passait dans ses yeux brillants, et son innocente gaieté la dépouillant d’une froide contrainte, faisait son bonheur, celui des autres, et enchantait tous ceux qui la voyaient. Lionel réfléchit pendant des heures entières aux variations inconcevables de l’humeur de sa jeune parente. Il y avait quelque chose de si piquant jusque dans les caprices de Cécile dont la taille élégante et la physionomie expressive donnaient du charme à tout ce qu’elle faisait, que Lionel résolut d’étudier tous ses gestes, d’épier tous ses sentiments, afin d’en pouvoir définir la cause. Cette assiduité plut à Cécile, et ses manières devinrent insensiblement moins bizarres et plus séduisantes, tandis que Lionel, sous l’influence de ce nouveau charme, ne vit plus rien, ne remarqua plus rien que la grâce et les charmes de sa cousine.

Dans une société nombreuse où les plaisirs, le monde et une multitude d’objets conspirent à nous distraire, de tels changements n’auraient pu être que le résultat d’une longue connaissance, si toutefois ils étaient arrivés ; mais dans une ville comme Boston, que presque tous ceux que connaissait Cécile avaient déjà abandonnée, et où ceux qui restaient encore vivaient seuls et inquiets au fond de leurs maisons, rien ne venait s’opposer à l’influence que, sans le savoir, ces jeunes gens exerçaient l’un sur l’autre, et il s’établit entre eux une sorte d’intelligence, sinon même de sympathie, dans le cours de cette quinzaine mémorable, pendant laquelle se préparaient des événements bien autrement importants dans leurs résultats que ceux qui peuvent intéresser une seule famille.

L’hiver de 1774 avait été aussi remarquable par sa douceur que le printemps fut froid et pluvieux. Cependant, comme cela arrive toujours dans notre climat variable, un rayon de soleil venait quelquefois rappeler l’été au milieu des frimas ; mais bientôt des torrents de pluie froide, que chassaient devant eux les vents de l’est, semblaient s’opposer au retour des beaux jours. Ces