Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/98

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breuse de ses compatriotes. Au physique, il était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne ; il était maigre et décharné, et les saillies de ses os ressortaient sur tous ses membres d’une manière extraordinaire. Il avait des yeux noirs, petits et brillants, qui annonçaient de l’intelligence, mais en même temps beaucoup de finesse et de pénétration ; du reste, il avait l’air froid et réservé. Se voyant toujours interpellé subitement par Polwarth sur son opinion, Seth dit avec la prudence cauteleuse dont il ne s’écartait jamais dans ses réponses :

— L’adjudant est un homme qui ne saurait rester en place ; mais il me semble que cela n’en vaut que mieux pour un officier d’infanterie légère. Il n’y a que le capitaine Polwarth qui en souffre beaucoup, et qui a bien de la peine à suivre sa compagnie, maintenant que le général a donné cette nouvelle besogne aux soldats.

— Et quel est votre avis sur ce que vous appelez notre nouvelle besogne, monsieur Sage ? demanda Mac-Fuse ; vous qui êtes un homme réfléchi et éminemment observateur, vous devez connaître à fond vos compatriotes : croyez-vous qu’ils se battent ?

— Une poule qu’on veut plumer cherche à se défendre, dit Seth sans lever les yeux de terre.

— Mais les Américains se regardent-ils comme plumés ?

— Je serais tenté de croire que c’est assez généralement l’avis du peuple, capitaine ; il y a eu de grandes rumeurs au sujet du papier timbré et du thé ; mais j’ai toujours dit que ceux qui ne faisaient point d’actes publics, et qui n’aimaient que les productions de leur pays, ne devaient pas se trouver entravés par la loi, après tout.

— Ainsi, maître Sage, s’écria le grenadier, vous ne trouvez pas que ce soit une grande oppression que de vous demander à contribuer, pour votre part, à l’entretien de braves et dignes soldats tels que moi, afin que nous nous battions pour vous.

— Quant à cela, capitaine, il me semble que nous saurions assez bien nous battre pour nous-mêmes, si l’occasion le demandait ; mais je ne crois pas que le peuple soit très-porté à le faire sans nécessité.

— Mais que veulent donc, selon vous, — le comité de sûreté — et vos — enfants de la liberté, — puisque c’est le nom qu’ils se donnent eux-mêmes ? Pourquoi toutes ces parades de leurs —