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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/188

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ne sait jamais sur quel pied on est avec eux. — Eh bien ! Monsieur, je me serais fait honneur d’avoir une entrevue personnelle avec votre brave commandant ; mais je me félicite qu’il se soit fait remplacer par un officier aussi distingué que vous l’êtes, et aussi aimable que vous le paraissez.

Duncan le salua, car le compliment ne pouvait lui déplaire, en dépit de la résolution héroïque qu’il avait prise de ne pas souffrir que les politesses ou les ruses du général ennemi lui fissent oublier un instant ce qu’il devait à son souverain. Montcalm reprit la parole après un moment de silence et de réflexion.

— Votre commandant est plein de bravoure, Monsieur, dit-il alors ; il est plus en état que personne de résister à une attaque. Mais n’est-il pas temps qu’il commence à suivre les conseils de l’humanité, plutôt que ceux de la valeur ? L’une et l’autre contribuent également à caractériser le héros.

— Nous regardons ces deux qualités comme inséparables, répondit Duncan en souriant ; mais tandis que vous nous donnez mille motifs pour stimuler l’une, nous n’avons encore jusqu’à présent aucune raison particulière pour mettre l’autre en action.

Montcalm salua à son tour ; mais ce fut avec l’air d’un homme trop habile pour écouter le langage de la flatterie, et il ajouta :

— Il est possible que mes télescopes m’aient trompé, et que vos fortifications aient résisté à notre artillerie mieux que je ne le supposais. — Vous savez sans doute quelle est notre force ?

— Nos rapports varient à cet égard, répondit Heyward nonchalamment ; mais nous ne la supposons que de vingt mille hommes tout au plus.

Le Français se mordit les lèvres, et fixa ses yeux sur le major comme pour lire dans ses pensées, et alors il ajouta avec une indifférence bien jouée et comme s’il eût voulu reconnaître la justesse d’un calcul auquel il voyait fort bien que Duncan n’ajoutait pas foi :

— C’est un aveu mortifiant pour un soldat, Monsieur ; mais il faut convenir que, malgré tous nos soins, nous n’avons pu déguiser notre nombre. On croirait pourtant que, s’il était possible d’y réussir, ce devrait être dans ces bois. — Mais quoique vous pensiez qu’il est encore trop tôt pour écouter la voix de l’humanité, continua-t-il en souriant, il m’est permis de croire qu’un jeune guerrier comme vous ne peut être sourd à celle de la galanterie. Les