Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/233

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pointe du jour nous serons frais, dispos, et prêts à accomplir notre entreprise en hommes, et non comme des femmes bavardes ou des enfants impatients.

Au ton et aux manières du chasseur, Heyward vit sur-le-champ qu’il serait inutile de lui faire des remontrances. Munro était retombé dans cette sorte d’apathie dont il sortait rarement depuis ses dernières infortunes, et dont il ne pouvait être tiré momentanément que par quelque forte émotion. Se faisant donc une vertu de la nécessité, le jeune major donna le bras au vétéran, et ils suivirent le chasseur et les deux Indiens, qui étaient déjà en marche en se dirigeant du côté de la plaine.


CHAPITRE XIX


Sai. S’il ne te rembourse pas, bien certainement tu ne prendras pas sa chair ; à quoi te servirait-elle ?
Le Juif. À en faire des appâts pour les poissons ; et si elle ne satisfait pas leur appétit, elle assouvira du moins ma soif de vengeance.
ShakspeareLe marchand de Venise.


Les ombres du soir étaient venues augmenter l’horreur des ruines de William-Henry, quand nos cinq compagnons y arrivèrent. Le chasseur et les deux Mohicans s’empressèrent de faire leurs préparatifs pour y passer la nuit, mais d’un air grave et sérieux qui prouvait que l’horrible spectacle qu’ils avaient eu sous les yeux avait fait sur leur esprit plus d’impression qu’ils ne voulaient en laisser voir. Quelques poutres à demi brûlées furent appuyées par un bout contre un mur, pour former une espèce d’appentis, et quand Uncas les eut couvertes avec des branches, cette demeure précaire fut terminée. Le jeune Indien montra du doigt cet abri grossier, dès qu’il eut terminé ses travaux, et Heyward, qui entendit le langage de ce geste silencieux, y conduisit Munro et le pressa de prendre quelque repos. Laissant le vétéran seul avec ses chagrins, il retourna sur-le-champ en plein air, se trouvant trop agité pour suivre le conseil qu’il venait de donner à son vieil ami.