Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/249

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la longueur de l’Horican avant qu’ils aient décidé quel chemin ils doivent suivre.

— Avec des ennemis en arrière et des ennemis en face, notre voyage paraît devoir être très dangereux.

— Dangereux ! répéta Œil-de-Faucon d’un ton fort tranquille ; non pas absolument dangereux ; car avec de bons yeux et de bonnes oreilles, nous pouvons toujours avoir quelques heures d’avance sur les coquins. Et au pis aller, s’il fallait en venir aux coups de fusil, nous sommes ici trois qui savons ajuster aussi bien que le meilleur tireur de toute votre armée. Non pas dangereux. Ce n’est pas que je prétende qu’il soit impossible que nous nous trouvions serrés de près, comme vous dites vous autres, que nous ayons quelque escarmouche, mais nous ne manquons pas de munitions, et nous trouverons de bons couverts.

Il est probable qu’en parlant de danger, Heyward, qui s’était distingué par sa bravoure, l’envisageait sous un tout autre rapport qu’Œil-de-Faucon. Il s’assit en silence ; et le canot continua à voguer sur les eaux du lac pendant plusieurs milles[1].

Le jour commençait à paraître quand ils arrivèrent dans la partie de l’Horican qui est parsemée d’une quantité innombrable de petites îles, la plupart couvertes de bois. C’était par cette route que Montcalm s’était retiré avec son armée, et il était possible qu’il eût laissé quelques détachements d’Indiens, soit pour protéger son arrière-garde, soit pour réunir les traîneurs. Ils s’en approchèrent donc dans le plus grand silence, et avec toutes leurs précautions ordinaires.

Chingachgook quitta la rame, et le chasseur la prenant, se chargea avec Uncas de diriger l’esquif dans les nombreux canaux

  1. Les beautés du lac George sont bien connues de tout voyageur américain ; relativement à la hauteur des montagnes qui l’entourent et à ses accessoires, il est inférieur aux plus beaux lacs de la Suisse et de l’Italie. Dans ses contours et la pureté de son eau, il est leur égal ; dans le nombre et la disposition de ses îles et de ses îlots, il est de beaucoup au-dessus d’eux tous.

    On assure qu’il y a quelques centaines de ces îles sur une pièce d’eau qui a moins de trente milles de longueur. Les canaux naturels qui unissent ce qu’on peut appeler en effet deux lacs, sont couverts d’îles qui n’ont quelquefois entre elles que quelques pieds de distance. Le lac lui-même varie, dans sa largeur, de un à trois milles.

    L’État de New-York est remarquable par le nombre et la beauté de ses lacs ; une de ses frontières repose sur la vaste étendue du lac Ontario, tandis que le lac Champlain s’étend presque pendant cent milles le long d’un autre. Onéida, Cayuga, Canandaigua, Seneca et George sont des lacs de trente milles de longueur ; ceux d’une plus petite proportion sont innombrables. Sur la plupart de ces lacs il y a maintenant de superbes villages, et on y voyage très souvent sur des bateaux à vapeur.