Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/277

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des peintures dont ils se couvrent le corps ; le soin qu’ils en prennent, l’admiration qu’elles leur inspirent, sentent une espèce d’orgueil spirituel ; j’en ai vu une entres autres qui représentait un animal dégoûtant et impur.

— Était-ce un serpent ? demanda vivement le chasseur.

— Pas tout à fait ; mais c’était la ressemblance d’un animal rampant comme lui, d’une vile tortue de terre.

— Hugh ! s’écrièrent en même temps les deux Mohicans, tandis que le chasseur secouait la tête avec l’air d’un homme qui vient de faire une découverte importante, mais peu agréable.

Chingachgook prit alors la parole, et s’exprima en delaware avec un calme et une dignité qui excitèrent l’attention même de ceux qui ne pouvaient le comprendre ; ses gestes étaient expressifs, et quelquefois même énergiques. Une fois il leva le bras droit, et en le laissant retomber lentement, il appuya un doigt sur sa poitrine, comme pour donner une nouvelle force à quelque chose qu’il disait. Ce mouvement écarta le tissu de calicot qui le couvrait, et Duncan, qui suivait des yeux tous ses gestes, vit sur sa poitrine la représentation en petit, ou plutôt l’esquisse de l’animal dont on venait de parler, bien tracée en beau bleu. Tout ce qu’il avait entendu dire de la séparation violente des tribus nombreuses des Delawares se présenta alors à son esprit, et il attendit le moment où il pourrait faire quelques questions, avec une impatience qu’il ne maîtrisait qu’avec de grands efforts, malgré le vif intérêt qu’il prenait au discours du chef mohican, discours qui malheureusement était inintelligible pour lui.

Œil-de-Faucon ne lui donna pas le temps de l’interroger ; car dès que Chingachgook eut fini de parler, il prit la parole à son tour, et s’adressa au major en anglais.

— Nous venons de découvrir, lui dit-il, ce qui peut nous être utile ou préjudiciable, suivant que le ciel en disposera. Le Sagamore est du sang le plus ancien des Delawares, et il est grand chef de leurs Tortues. Qu’il y ait parmi la peuplade dont le chanteur nous parle quelques individus de cette race, c’est ce dont nous ne pouvons douter d’après ce qu’il vient de nous dire ; et s’il avait épargné, pour faire quelques questions prudentes, la moitié de l’haleine qu’il a mal employée à faire une trompette de son gosier, nous aurions pu savoir quel est le nombre des guerriers de cette caste qui s’y trouve. Dans tous les cas, nous sommes sur