Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/54

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ne semblaient pas se douter que l’embarras dans lequel elles se trouvaient pût avoir d’autre cause qu’un accident fortuit. Les laissant croire qu’il s’occupait d’une consultation sur le chemin qu’ils devaient suivre, il avança encore, et arrêta son cheval devant l’arbre contre lequel le coureur était encore appuyé.

— Vous voyez, Magua, lui dit-il en tâchant de prendre un ton de confiance et de franchise, que voici la nuit tombante ; et cependant nous ne sommes pas plus près de William-Henry que lorsque nous sommes partis du camp de Webb, au lever du soleil. Vous vous êtes trompé de chemin, et je n’ai pas eu plus de succès que vous. Mais heureusement j’ai rencontré un chasseur, que vous entendez causer maintenant avec notre chanteur ; il connaît tous les sentiers et toutes les retraites de ces bois, et il m’a promis de nous conduire dans un endroit où nous pourrons nous reposer en sûreté jusqu’au point du jour.

— Est-il seul ? demanda l’Indien en mauvais anglais, en fixant sur le major des yeux étincelants.

— Seul ! répéta Heyward en hésitant, car il était trop novice dans l’art de la dissimulation pour pouvoir s’y livrer sans embarras ; non, Magua, il n’est pas seul, puisque nous sommes avec lui.

— En ce cas, le Renard-Subtil s’en ira, dit le coureur en relevant avec le plus grand sang-froid une petite valise qu’il avait déposée à ses pieds, et les Visages-Pâles ne verront plus d’autres gens que ceux de leur propre couleur.

— S’en ira ! Qui ? Qui appelez-vous le Renard-Subtil ?

— C’est le nom que ses pères canadiens ont donné à Magua, répondit le coureur d’un air qui montrait qu’il était fier d’avoir obtenu la distinction d’un surnom, quoiqu’il ignorât probablement que celui dont on l’avait gratifié n’était pas propre à lui assurer une réputation de droiture. La nuit est la même chose que le jour pour le Renard-Subtil quand Munro l’attend.

— Et quel compte le Renard-Subtil rendra-t-il des deux filles du commandant de William-Henry ? osera-t-il dire au bouillant Écossais qu’il les a laissées sans guide, après avoir promis de leur en servir ?

— La tête grise a la voix forte et le bras long ; mais le Renard entendra-t-il l’une et sentira-t-il l’autre, quand il sera dans les bois ?