buent déjà à y rendre le gibier plus rare. J’espère vivre assez longtemps pour voir le jour où l’on respectera les droits d’un propriétaire sur son gibier, autant que ceux qu’il a sur ses fermes.
— Vos lois et vos fermes sont de la même date, s’écria Natty, tout cela est né d’hier. Mais les lois devraient être impartiales, et ne pas favoriser l’un aux dépens de l’autre. Il y a eu mercredi quinze jours, j’avais tiré sur un daim, je l’avais blessé, et je comptais bien l’abattre du second coup, car il est sans exemple que j’aie tiré trois fois sur la même pièce. Mais pas du tout, il sauta par-dessus une maudite barrière, pendant que je rechargeais mon fusil, et je ne pus la traverser pour le poursuivre. Or, qui m’indemnisera d’avoir perdu ce daim, un des plus beaux de la saison ? Allez, allez, juge, ce sont les fermiers, et non les chasseurs, qui font que le gibier devient rare.
— Les daims n’être pas si nompreux maintenant que pendant l’ancienne guerre, monsieur Pumpo, dit le major au milieu d’un nuage de fumée ; la terre n’être pas faite pour les daims, mais pour les chrétiens.
— Je crois que vous êtes ami de la justice, major, répondit Natty, quoique vous alliez souvent à la grande maison ; dites-moi donc s’il n’est pas bien dur pour un homme de se voir privé, par de pareilles lois, de ses moyens honnêtes d’existence, quand, si justice était rendue, il pourrait pêcher et chasser tous les jours de la semaine, et même sur les meilleurs défrichements, si l’envie lui en prenait ?
— Moi pieu vous entendre, Pas-de-Cuir, dit le major, en fixant sur lui ses grands yeux noirs d’un air particulièrement expressif, mais vous n’avoir pas toujours été si prudent.
— Je n’en avais peut-être pas les mêmes raisons, répliqua Natty d’un air sombre. Et appuyant la tête sur ses deux mains, il parut décidé à ne plus parler.
— Le juge avait commencé à nous dire quelque chose sur les Français, dit Hiram après un moment de silence général.
— Oui, Messieurs, dit Marmaduke, je vous disais que les jacobins semblent décidés à ne pas mettre de bornes à la carrière de leurs crimes. Ils continuent ces meurtres auxquels ils donnent le nom d’exécutions. Vous savez sans doute qu’ils ont ajouté l’assassinat de leur reine à la longue liste de leurs forfaits ?