Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/165

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sous le sien, le dégel commence, mais la neige est encore en état de nous porter. Ne sentez-vous pas que l’air que nous respirons arrive de la Pensylvanie ? quel climat détestable ! Hier, au coucher du soleil, il faisait assez froid pour glacer le zèle d’un homme, et, pour moi, c’est mettre le thermomètre à zéro ; entre neuf et dix heures, le temps était plus tempéré ; à minuit il faisait tout à fait doux ; et j’ai trouvé qu’il faisait si chaud pendant tout le reste de la nuit, que je n’ai pu supporter une couverture. Eh ! Aggy ; holà Aggy ! avance donc, négrillon, que je te souhaite de joyeuses fêtes de Noël. Ramasse ce dollar, et si quelqu’un se lève avant que nous soyons rentrés, viens bien vite m’en avertir ; si tu me laisses prévenir par le cousin ’Duke, je ne voudrais pas être dans ta peau.

Aggy lui promit d’être attentif à exécuter ses ordres, ramassa le dollar sur la neige, le jeta à vingt pieds en l’air, le rattrapa adroitement dans sa main quand il tomba, et courut dans la cuisine pour montrer le présent qu’il venait de recevoir, avec autant de joie dans le cœur que sa physionomie en exprimait.

— Soyez tranquille, mon cher cousin, dit Élisabeth, je viens d’entrouvrir la porte de la chambre de mon père, et il dort encore profondément. Nous pouvons faire notre promenade sans inquiétude, et vous remporterez encore tous les honneurs du jour.

— Oh ! ’Duke est votre père, Élisabeth ; mais ’Duke est un homme qui aime la primauté jusque dans les plus petites bagatelles. Quant à moi, je ne m’en soucie qu’à cause des compétiteurs qu’on peut avoir ; car une chose qui n’est rien en elle-même peut prendre de l’importance quand plusieurs y prétendent en même temps. Ainsi pense et agit votre père lui-même : il veut être toujours le premier ; mais je ne veux lui damer le pion que parce qu’il a la prétention d’être mon compétiteur.

— Tout cela est fort clair, Monsieur ; si vous étiez seul au monde, vous ne vous soucieriez aucunement des distinctions ; mais comme bien des gens les recherchent, vous les recherchez aussi, non pour elles-mêmes, mais uniquement à cause des compétiteurs.

— C’est cela même, Bessy, je vois que vous êtes une fille intelligente, et vous faites honneur à vos maîtres. Vous ignorez peut-être que c’est moi qui suis cause qu’on vous a mise dans cette pension de New-York ; car dès que votre père en eut parlé j’écrivis à un ami que j’avais en cette ville, et ce fut d’après sa recommanda-