Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/188

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ce n’est pas l’ouvrage d’une journée, mais de plusieurs hivers. Les Delawares et les Maquas sont nés ennemis ; ils ne peuvent reposer sous le même wigwam, et leur sang formera toujours deux ruisseaux séparés un jour de bataille. Mais pourquoi le frère de Miquon et le jeune aigle seraient-ils ennemis ? Ce sont deux rejetons issus de la même souche ; leurs pères et leurs mères sont communs. Apprenez à attendre, mon fils ; le sang des Delawares coule dans vos veines, et la première vertu d’un guerrier indien, c’est la patience.

Ce discours en style figuré parut faire beaucoup d’impression sur le jeune homme, qui, cédant enfin aux sollicitations de Marmaduke, accepta sa proposition. Ce fut pourtant à condition que ce ne serait qu’une épreuve, et que chacune des parties serait libre de faire cesser cet arrangement dès qu’elle le jugerait à propos. La répugnance bien marquée avec laquelle il acceptait une offre que bien des gens à sa place auraient regardée comme au-dessus de leurs espérances ne causa pas peu de surprise à Marmaduke, à sa fille et à Richard, et elle laissa même dans leur esprit une légère impression à son désavantage.

Lorsque les parties qui venaient de contracter cette espèce d’engagement réciproque se furent séparées, l’affaire qu’elles avaient conclue devint nécessairement le sujet d’une double conversation, et nous commencerons par rendre compte de celle qui eut lieu entre le juge, Élisabeth et Richard.

— Je ne puis concevoir, dit M. Temple, ce que ma maison peut avoir de désagréable pour ce jeune homme. Il faut que ce soit ta figure qui l’effraie, Bess.

— Eh non ! cousin ’Duke, eh non ! dit Richard très-sérieusement, ce n’est pas Bess qui lui fait peur. Avez-vous jamais vu un métis qui pût supporter l’idée de vivre avec des hommes civilisés ? Ils sont à cet égard pires que les sauvages mêmes. N’avez-vous pas remarqué vous même, Bess, comme il avait les yeux égarés ?

— Je n’ai fait aucune remarque sur ses yeux, mon cher cousin, répondit la fille du juge, si ce n’est qu’ils exprimaient une hauteur qui m’a paru tout à fait déplacée. En vérité, mon père, vous avez donné une grande preuve de patience chrétienne, en insistant comme vous l’avez fait pour qu’il daignât consentir à venir demeurer dans notre famille. Quant à moi, je l’aurais laissé dans les bois, lui et ses grands airs. Il semble vraiment croire