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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/189

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qu’il nous fait beaucoup d’honneur. Et dans quel appartement comptez-vous le placer ? À quelle table lui servira-t-on le nectar et l’ambroisie ?

— Il mangera avec Benjamin et Remarquable, dit M. Jones, vous ne voudriez pas lui donner un nègre pour compagnon. Il est vrai que ce n’est qu’un métis, mais les Indiens méprisent souverainement les noirs. Je suis sûr qu’il mourrait de faim avant de se résoudre à rompre une croûte avec un nègre.

— Bien loin de songer à lui faire un tel affront, dit Marmaduke, mon intention est qu’il n’ait pas d’autre table que la nôtre.

— Vous voulez donc le traiter en homme comme il faut, mon père ? dit Élisabeth en montrant un léger déplaisir de cette résolution.

— Oui, sans doute, ma fille, répondit M. Temple, du moins jusqu’à ce qu’il nous ait prouvé qu’il ne mérite pas d’être regardé comme tel.

— Eh bien ! cousin ’Duke, dit Richard, vous verrez qu’il n’est pas facile d’en faire un homme comme il faut. Le vieux proverbe dit qu’il faut pour cela trois générations. Il y avait mon père… je n’ai pas besoin d’en parler, tout le monde l’a connu. Mon grand-père était docteur en médecine, mon bisaïeul docteur en théologie, et mon trisaïeul… je n’ai jamais su bien au juste ce qu’il était ; mais il venait d’Angleterre, et il était certainement d’une excellente famille de négociants ou de magistrats.

— Voilà bien une généalogie américaine, dit Marmaduke en souriant. Pendant les trois générations qui se sont succédé ici, tout est nécessairement au positif ; mais dès qu’on remonte à l’émigration et qu’il faut passer l’eau, tout est au superlatif. Vous êtes bien sûr, Dick, que ce trisaïeul dont vous parlez était d’une très-bonne famille ?

— Sans contredit, juge ; ma vieille tante m’en a toujours parlé ainsi, et m’a assuré que de père en fils nous avons toujours occupé un rang très-respectable.

— Vous vous contentez à peu de frais, Dick. La plupart des généalogistes américains commencent leurs traditions, comme les contes pour les enfants, par l’histoire des trois frères ; et ils ont toujours soin qu’un membre de ce triumvirat porte le nom de quelque famille qui a prospéré dans le monde. Mais ici nous ne connaissons d’autre distinction que celle que donne une bonne