Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de saison. Le vent du sud avait effectivement cessé de souffler, et il avait fait place à ce calme qui en ce pays annonce toujours un changement subit dans la température. Longtemps avant que la famille se fût séparée, le froid était devenu excessivement piquant, et lorsque M. Le Quoi partit pour regagner sa boutique, il fut obligé d’emprunter une couverture pour s’envelopper, indépendamment du grand manteau dont il avait eu soin de se précautionner. Le ministre et sa fille passèrent la nuit chez M. Temple, et bien avant minuit chacun était retiré dans son appartement.

Élisabeth et Louise couchèrent dans la même chambre, et elles n’avaient pas encore cédé au sommeil quand le sifflement du vent du nord se fit entendre, et leur fit mieux sentir le bonheur de se trouver, par un pareil temps, dans un appartement bien clos et bien chauffé. Leurs yeux commençaient à se fermer, quand au bruit du vent se mêlèrent des sons d’une nature différente. Ce n’étaient pas les aboiements d’un chien, ç’aurait pu être plutôt le hurlement de cet animal fidèle quand sa vigilance se trouve alarmée pendant la nuit.

Élisabeth entendit Louise respirer péniblement, et voyant qu’elle ne dormait pas encore, elle lui demanda si elle savait quels étaient les nouveaux sons qu’on entendait. — Serait-il possible, ajouta-t-elle, qu’ils fussent produits par les chiens de Bas-de-Cuir, et qu’on les entendît de si loin ?

— Non, répondit la fille du ministre ; ce sont des loups descendus des montagnes, et qui entreraient même dans le village, si les lumières ne les en écartaient. Depuis que nous sommes ici, la faim les amena une fois jusqu’à notre porte, où ils hurlèrent jusqu’au point du jour. Ah ! quelle nuit terrible je passai ! Mais chez votre père les portes sont assez solidement fixées pour que vous n’ayez rien à craindre.

— Ils finiront par disparaître, dit Élisabeth ; la civilisation fait des progrès rapides, et les animaux féroces se retirent à mesure que l’homme s’avance.

Les hurlements se firent encore entendre quelque temps, mais enfin le bruit s’éloigna, et finit par cesser tout à fait. Les deux jeunes amies, qui ne sont pas les personnages les moins intéressants de notre histoire, s’endormirent, et elles ne s’éveillèrent le lendemain que lorsqu’une servante entra dans la chambre pour