Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/200

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saient des colons qui entreprenaient de nouveaux défrichements ; et le nombre de sleighs pleins de sacs de grains et de barils de potasse qui passaient par le village, démontrait clairement que cette entreprise ne serait pas infructueuse. En un mot, tout le pays présentait l’aspect d’un établissement prospère, et les chemins étaient remplis de chariots dont les uns, chargés des meubles grossiers amenés par de nouveaux colons dont les femmes et les enfants montraient un air de satisfaction causé par la nouveauté, et les autres portaient au marché d’Albany les productions du pays, qui servaient d’appât pour exciter d’autres aventuriers à aller tenter la fortune dans une contrée si fertile.

Une activité sans égale régnait dans le village ; la richesse des particuliers croissait avec la prospérité publique, et chaque jour on faisait un pas pour s’avancer vers les mœurs et les coutumes des villes plus anciennement établies. Un facteur se rendait régulièrement deux fois par semaine sur les bords de la Mohawk, pour y prendre les lettres qu’on y apportait des États situés au midi. Vers le printemps, plusieurs familles qui avaient été passer l’hiver à quelque distance en revinrent à l’époque convenable pour s’occuper de la culture de leurs terres, et elles étaient accompagnées de parents et d’amis, qui, flattés du tableau séduisant qu’on leur avait fait de cette terre promise, avaient abandonné leurs fermes du Connecticut et des Massachusets, pour venir former un nouvel établissement dans les bois.

Pendant ce temps Olivier Edwards, dont l’élévation soudaine n’avait occasionné aucune surprise dans un pays où tout était nouveau et inattendu, consacrait ses journées au service de Marmaduke, mais il passait une partie des soirées, et quelquefois même la nuit, dans la hutte de Natty Bumppo. La liaison qui régnait entre les trois chasseurs n’avait reçu aucune interruption, et il était évident que les mêmes relations d’amitié subsistaient encore entre eux, quoiqu’elles fussent en quelque sorte couvertes d’un voile mystérieux. Il était fort rare que le vieux chef indien se montrât chez le juge, et Natty n’y paraissait jamais. Mais, dès qu’Edwards pouvait disposer d’un moment de loisir, il courait à son ancienne demeure, il n’en revenait que tard dans la soirée, et quelquefois même il ne rentrait que le lendemain au point du jour. Cette conduite semblait assez extraordinaire dans la maison, mais chacun gardait pour soi les réflexions qu’il pouvait faire, à