Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/251

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dire à votre louange que vous êtes le plus mauvais de tous les matelots qui se soient jamais assis sur un banc de rameurs. Je consens à boire toute l’eau du lac, si je me retrouve jamais avec vous à bord d’un canot, d’une chaloupe, ou même d’un vaisseau de ligne. Natty Bumppo, une poignée de main. On dit que vous êtes un Indien, et que vous avez scalpé plus d’une tête, mais n’importe ; vous m’avez rendu un service que je n’oublierai pas, et vous pouvez compter sur moi à la vie et à la mort, sur terre comme sur mer ; Ce n’est pas qu’il n’eût été plus convenable de me jeter un bout de corde attaché à une bouée, au lieu de me harponner comme une truite, et de retirer de l’eau un vieux marin en l’accrochant par la queue ; mais je suppose que vous vous êtes habitué à saisir les hommes par les cheveux, et puisque cela a réussi, voyez-vous, peu importe la manière.

Marmaduke, prenant alors un ton d’autorité qui imposa même au shérif, ordonna qu’on se préparât sur-le-champ au retour. Benjamin, soutenu par deux jeunes paysans, partit de suite pour le village ; on tira le filet avec tant de négligence et de précipitation, qu’il s’y trouva à peine une douzaine de petits poissons ; on fit la distribution du produit de la pêche selon l’usage habituel, c’est-à-dire que Richard touchait un des lots, tandis qu’un pêcheur, le dos tourné vers lui désignait l’individu auquel il appartiendrait. Enfin, toutes ces dispositions faites, Billy Kirby, placé en sentinelle pour veiller sur le poisson et le filet jusqu’au lendemain matin, fit griller une grosse perche sur les charbons pour son souper. M. Temple ’et sa compagnie montèrent sur la grande barque, après que M. Jones eut fait choix de deux vigoureux rameurs, et les autres pêcheurs suivirent les bords du lac pour retourner à pied au village.

On put suivre des yeux le canot de Mohican, qui fendait l’eau avec une rapidité sans égale, jusqu’à ce qu’il eût abordé au rivage, en face de la hutte de Natty. Dès qu’ils furent débarqués, ils éteignirent leur feu, et tout rentra de ce côté dans une obscurité profonde. Le jeune homme qui tenait un dais formé de châles sur lui-même et sur Louise, le chasseur et le guerrier indien, occupèrent alternativement les pensées de la jeune héritière. Elle se sentit aussi curieuse de visiter une hutte où des hommes si différents entre eux se réunissaient par une impulsion commune.