Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/273

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Il saisit son harpon, et se disposa à en percer le cou du daim.

— Un peu plus sur la gauche, cria-t-il à Mohican : encore deux coups de rames, et il est à nous.

Le vieux chef fit la manœuvre commandée ; Natty agita en l’air son harpon, et le lança avec force contre l’animal. Mais pendant que le canot tournait, le daim fit le même mouvement, et l’arme destinée à lui donner la mort passa près de lui sans le toucher. Quoique déjà fatigué, il nageait encore avec vigueur ; et le canot le suivait de très-près, quand Bas-de-Cuir, en passant sur l’endroit où son harpon venait de disparaître, s’écria : — En arrière, John, en arrière ! je n’ai pas envie de perdre mon arme.

Comme il prononçait ces mots, le manche du harpon, poussé par la force de la réaction, reparut à la surface de l’eau ; le vieux chasseur le saisit, et ils se remirent à la poursuite du daim, à qui ce retard avait permis de prendre un peu d’avance sur eux.

Mais pendant ce temps, Edwards s’était approché de la scène de l’action, et la vue du daim qui nageait alors entre la barque et le canot lui fit oublier les leçons de prudence qu’il donnait à ses deux amis quelques instants auparavant.

— Hourra ! hourra ! en avant, Mohican, en avant ! s’écria-t-il ; serrez-le de plus près, tandis que je m’en approche ; je vais lui jeter un nœud coulant sur les bois.

Le malheureux daim, entouré d’ennemis de tous côtés, voyant à droite la barque d’Edwards, à gauche le canot des deux chasseurs, et entendant sur le rivage les aboiements des chiens, s’arrêta un instant, comme s’il eût senti qu’il ne pouvait lutter davantage contre sa destinée ; mais pendant ce temps, le mouvement rapide imprimé au canot par les rames de Mohican, l’avait entraîné en avant, et le daim, voyant une ouverture pour se sauver en passant par derrière, chercha à se diriger vers une pointe de terre située du même côté du lac, à quelque distance des chiens.

Mais pendant cet instant d’incertitude, Edwards avait continué à s’en approcher. Il lança sur lui de toute sa force une corde au bout de laquelle il avait fait un nœud coulant, et réussit à la serrer autour d’un des andouillers de l’animal. Le daim rassembla inutilement toutes ses forces ; il entraîna la barque après lui quelques instants ; mais sa marche fut retardée, ce qui donna au canot le temps de s’approcher de l’autre côté.