Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/274

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L’instant fatal était arrivé. Bas-de-Cuir saisit de la main gauche un des bois de l’animal, et de l’autre lui coupa la gorge avec un grand couteau qui servait à écorcher les animaux qu’il tuait à la chasse. Le sang du daim expirant teignit l’eau du lac à la distance de plusieurs pieds, et dès qu’il fut mort on l’étendit au fond du canot.

Natty lui passa les mains sur les côtes et sur différentes parties du corps ; levant ensuite la tête en riant à sa manière accoutumée :

— Voilà pour les lois de Marmaduke, dit-il. Eh bien ! vieux John, cela ne réchauffe-t-il pas le sang ? c’est la première fois qu’il m’arrive de tuer un daim sur le lac. La chair en est bonne, monsieur Olivier, et je sais bien qui aimera mieux une tranche de cette venaison que tous les défrichements du pays.

Le vieil Indien était abattu sous le poids des années et des malheurs de sa race, mais la chasse semblait toujours lui rendre la vigueur et la gaieté de la jeunesse. Il passa à son tour la main sur les membres encore palpitants du daim, fit un signe d’approbation, et dit dans le style laconique de sa nation :

— Bon !

— Je crois, Natty, dit Edwards quand le premier moment d’enthousiasme fut passé, que nous avons tous également contrevenu à la loi. — Mais il ne s’agit que de garder notre secret, car personne ne peut nous avoir vus. Mais comment les chiens se trouvent-ils dehors ? Je les ai laissés à l’attache ; j’en suis bien sûr, et les courroies étaient solides.

— En sentant un pareil daim, dit Natty, les pauvres créatures n’auront pu résister à la tentation, et elles auront rompu leurs courroies. Voyez, monsieur Olivier, elles en ont encore un bout de plus d’un pied qui leur pend au cou. Allons, John, retournons à terre, il faut que j’examine cela de plus près.

Mohican rama vers le rivage, et dès qu’ils furent débarqués, Natty appela ses chiens, qui accoururent à lui. Mais à peine eut-il jeté les yeux sur les courroies, qu’il changea de visage, secoua la tête et s’écria : — J’avais tort ; non, non, mon vieux Hector n’est pas en faute, comme je le craignais.

— Croyez-vous que le cuir ait été coupé ? demanda Edwards avec vivacité.

— Je ne dis pas cela, répondit Natty, mais ce cuir n’a été ni arraché de force, ni déchiré par les dents des chiens.