Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/287

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couteau et le lui remit. Natty coupa les courroies près du cou de ses chiens et lui dit en le lui rendant :

— Il a le fil, et je réponds que ce n’est pas la première fois qu’il a coupé de pareil cuir.

— Prétendez-vous dire que ce soit moi qui ai lâché vos chiens ? s’écria Hiram, mis hors de ses gardes par sa mauvaise conscience.

— Lâché mes chiens ! répéta Natty. Non, c’est moi qui les ai lâchés. Je les lâche toujours avant de quitter ma hutte.

L’étonnement involontaire que montra Hiram en entendant cette déclaration contraire à la vérité, aurait suffi pour dissiper tous les doutes de Natty, s’il en avait eu aucun, et le sang-froid qu’il avait conservé jusque alors fit place à l’indignation.

— Écoutez-moi bien, monsieur Doolittle, dit-il en frappant violemment la terre de la crosse de son fusil ; je ne sais ce qui peut vous tenter dans le wigwam d’un pauvre homme comme moi, mais je vous dis en face que vous n’y mettrez jamais le pied de mon consentement, et que si vous rôdez encore à l’entour, comme vous l’avez fait toute cette matinée, vous n’en serez pas bon marchand.

— Et moi je vous dis, monsieur Bumppo, répondit Hiram, tout en faisant retraite à pas précipités, que je sais que vous vous êtes mis en contravention à la loi ; que je suis magistrat, et que je vous le ferai savoir avant qu’il se passe vingt-quatre heures.

— Voilà pour vous et pour votre loi ! s’écria Natty en faisant claquer ses doigts : retirez-vous, vermine[1] que vous êtes, de peur que le diable ne me tente de vous traiter comme vous le méritez. Mais que je ne vous retrouve plus dans les bois, car je pourrais bien vous prendre pour une panthère.

Hiram ne répliqua rien, de peur de pousser le vieux chasseur à quelque extrémité ; et, dès qu’il eut disparu, Natty se rendit à sa chaumière où régnait un silence semblable à celui du tombeau. Il mit ses chiens à l’attache, et frappa à la porte. Edwards vint la lui ouvrir.

— Tout va-t-il bien ? demanda Natty.

— Tout va bien, répondit Edwards. J’ai reconnu qu’on a essayé d’ouvrir la porte, mais on n’a pu y réussir.

— Je sais qui, dit Natty ; mais qu’il ne se montre plus à portée

  1. Varmint. C’est ainsi qu’on appelle en style de chasse tous les animaux qu’un vrai chasseur dédaigne de tuer avec le fusil, comme la fouine, le putois, etc.