M. Temple garda encore le silence.
— Nous ne pouvons douter que ce ne soit un métis, car Mohican l’appelle ouvertement son parent, un Delaware. Nous avons reconnu qu’il a reçu une assez bonne éducation. Mais qu’est-il venu faire dans ce pays ? Vous souvenez-vous qu’un mois, ou à peu près, avant que ce jeune homme arrivât dans nos environs, Natty fut absent de chez lui pendant plusieurs jours ? Vous n’en pouvez douter, car vous le fîtes chercher pour lui acheter de la venaison que vous vouliez porter à vos amis à New-York, en allant chercher votre fille. Eh bien ! on ne le trouva point. John Mohican était seul dans sa hutte. Natty revint pendant votre absence ; il arriva la nuit, et cependant on le vit revenir tirant un de ces traîneaux dont on se sert pendant l’hiver pour porter sur la neige des grains au moulin. Ce traîneau était couvert avec grand soin de plusieurs peaux d’ours ; il s’arrêta à la porte de sa chaumière, et Mohican et lui en tirèrent avec précaution quelque chose qui paraissait assez lourd, et qu’ils transportèrent dans la hutte, mais que l’obscurité empêcha de distinguer.
— Quelque daim qu’il avait tué sans doute.
— Non certainement, car il avait laissé son fusil au village pour le faire réparer. Il est constant qu’il était allé je ne sais où, et qu’il en a rapporté je ne sais quoi, probablement des outils destinés au travail des mines ; car depuis ce temps il ne laisse entrer personne dans sa hutte.
— Il n’a jamais beaucoup aimé les visites.
— J’en conviens ; mais auparavant il ne refusait pas d’ouvrir sa porte au voyageur surpris par un orage. Eh bien ! quelques jours après son retour, ce M. Edwards paraît. Ils passent ensemble des journées entières à chasser sur les montagnes, à ce qu’ils disent ; mais, dans le fait, à chercher de nouvelles mines, attendu que la gelée ne leur permettait pas alors de fouiller la terre. Le jeune homme profita d’un heureux accident pour s’établir dans une bonne maison ; mais il n’en passe pas moins une grande partie de son temps dans cette hutte ; il y va tous les soirs, il y reste quelquefois toute la nuit. À quoi voulez-vous qu’ils s’occupent ? Ils fondent le métal, juge Temple, ils fondent le métal, et ils s’enrichissent à vos dépens.
— Dans tout cela, Richard, qu’est-ce qui vous appartient, et qu’est-ce qui appartient aux autres ? Je voudrais séparer le bon grain de l’ivraie.