— Je vous ai déjà dit que j’ai vu les deux vieillards armés de pelles et de pioches. J’ai vu aussi le traîneau, quoiqu’il ait été mis en pièces et brûlé en une couple de jours. Hiram a rencontré Natty sur la montagne, la nuit qu’il arrivait avec son traîneau, et comme Bas-de-Cuir paraissait fatigué, il lui a même offert de l’aider à le traîner, car Hiram est fort obligeant ; mais Natty ne voulut pas l’écouter, et le refusa avec brutalité. Depuis que la neige est fondue, et surtout depuis que la terre est dégelée, nous les avons surveillés avec un grand soin, et Jotham nous a été fort utile pour cela.
Marmaduke n’avait pas beaucoup de confiance dans les associés de Richard. Cependant il trouvait dans les détails qu’il venait d’entendre, et surtout dans la liaison d’Edwards avec les vieux chasseurs, quelque chose de mystérieux qui lui donnait à réfléchir. D’ailleurs, les soupçons que Richard cherchait à lui faire concevoir favorisaient son penchant naturel. M. Temple aimait à percer dans l’avenir ; il s’occupait sans cesse à calculer les améliorations que la postérité ferait dans le pays qu’il habitait ; où les autres ne voyaient que des forêts solitaires, ses yeux découvraient des villes, des manufactures, des canaux, des ponts, des mines, des usines ; enfin il ne voyait rien d’impossible à la découverte d’une mine dans les montagnes de l’Otsego, et ce pouvait être le lien secret qui avait réuni Edwards à des hommes si différents de lui sous tous les rapports, le motif qui l’attirait encore tous les jours dans la hutte du vieux chasseur. Mais Marmaduke était trop habitué à examiner les deux côtés d’une question, pour ne pas apercevoir les objections qu’on pouvait faire contre cette supposition.
— Cela n’est pas possible, dit-il ; si ce jeune homme connaissait une mine, il ne serait pas si pauvre.
— C’est précisément parce qu’il est pauvre, répliqua Richard, qu’il doit avoir plus d’ardeur à fouiller dans les mines.
— D’ailleurs l’élévation d’âme qu’Edwards a reçue de la nature, les connaissances qu’il doit à l’éducation, ne lui permettraient pas de se livrer à une occupation clandestine.
— Un ignorant serait-il en état de fondre des métaux ?
— Bess m’a dit qu’il venait de dépenser son dernier shilling, quand je l’ai reçu chez moi.
— L’aurait-il employé à tirer sur un dindon, s’il n’avait su où en trouver d’autres ?