Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soir le silence régnait dans le village, dont les rues étaient presque désertes.

C’était à cette heure que le juge Temple et sa fille, accompagnés de Louise Grant, se promenaient sous l’avenue de peupliers qui conduisait à la porte extérieure de la maison de Marmaduke.

— Personne ne peut mieux que vous, ma fille, dit M. Temple, adoucir cet esprit offensé ; mais ne cherchez pas à le justifier ; la sainteté des lois doit être respectée.

— J’ai bien de la peine, mon père, à regarder comme équitables des lois qui condamnent un homme comme Bas-de-Cuir à une punition si sévère pour une faute qui me paraît très-vénielle.

— Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas, Élisabeth. La société ne peut exister qu’à l’aide de restrictions salutaires ; ces restrictions ne peuvent être maintenues qu’autant qu’on fait respecter ceux qui sont chargés d’assurer leur exécution, et quand ce respect a été oublié, que dirait-on d’un juge qui favoriserait le criminel, parce qu’il a sauvé la vie de sa fille ?

— Je sens la difficulté de votre situation, mon père, mais en appréciant la faute du pauvre Natty, je ne puis séparer l’homme du ministre de la loi.

— Vous vous trompez encore, ma fille ; ce n’est pas pour avoir chassé de chez lui Hiram Doolittle, c’est pour avoir menacé la vie d’un constable exerçant ses fonctions, que Bas-de-Cuir…

— Peu n’importe quel en est le motif, s’écria miss Temple écoutant son cœur plus que sa raison ; je sais que Natty est innocent, et pensant ainsi, je dois regarder comme ayant tort tous ceux qui le persécutent.

— Même le Juge qui l’a condamné ? Votre père, Élisabeth ?

— Oh ! non, non, mon père. Mais ne me faites plus de questions ; donnez-moi vos instructions, et j’irai exécuter vos ordres.

— Votre cœur est bien près de votre tête, Bessy, dit Marmaduke en souriant. Allez à la prison, voici un ordre pour que le geôlier vous laisse voir son prisonnier. Prenez ce portefeuille, il contient deux cents dollars ; vous les remettrez à Natty, en lui portant des paroles de consolation. Mais méfiez-vous de votre sensibilité ; n’oubliez pas que sans les lois nous serions réduits à la condition des sauvages ; que Bas-de-Cuir les a enfreintes ; qu’un jury l’a déclaré coupable, et que c’est votre père qui a prononcé sa sentence.