Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/363

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côté, quand un bruit qu’elle entendit dans les feuilles sèches lui fit tourner les yeux dans une autre direction. L’objet qu’elle aperçut alors lui causa certainement un tressaillement involontaire ; mais ce n’était pas de frayeur, car elle s’avança sur-le-champ vers lui.

Le vieux Mohican était assis sur le tronc d’un gros chêne, qui n’avait point été abattu par la main des hommes, et ses yeux étaient fixés sur elle avec une expression de fierté sauvage qui aurait effrayé une femme moins résolue, et qui l’aurait moins bien connu. Sa couverture, plissée autour de sa ceinture, laissait apercevoir ses bras et toute la partie supérieure de son corps. Le médaillon de Washington était suspendu sur sa poitrine, et c’était un bijou qu’Élisabeth savait qu’il ne portait que dans les grandes occasions. Ses longs, cheveux noirs, aplatis sur sa tête, laissaient à découvert son front et ses yeux, qu’ils ombrageaient ordinairement. Dans les énormes incisions faites à ses oreilles étaient passés divers ornements d’argent, mêlés de grains de verre, suivant le goût et l’usage des Indiens. Un autre ornement du même genre était suspendu au cartilage de son nez. Son front ridé était traversé par des raies rouges, qui descendaient sur ses joues en décrivant différentes lignes au gré de son caprice ou de l’usage de sa nation. Son corps était peint de la même manière. En un mot, tout annonçait en lui le guerrier indien préparé pour quelque événement d’une importance plus qu’ordinaire.

— C’est vous, John, dit Élisabeth en s’approchant de lui ; comment vous portez-vous, Mohican ? Il y a longtemps qu’on ne vous a vu dans le village. Vous m’aviez promis un panier de branches d’osier, et il y a un mois que je vous ai fait une chemise de calicot.

L’Indien la regarda quelques instants sans lui répondre, et lui dit ensuite d’un son de voix creux et guttural :

— La main de John ne peut plus faire de paniers. Il n’a plus besoin de chemises.

— Mais s’il en avait besoin, il sait où il pourrait en trouver. En vérité, vieux John, je vous regarde comme ayant un droit naturel à nous demander tout ce qui peut vous être nécessaire.

— Ma fille, écoutez mes paroles. Six fois dix étés se sont passés depuis que John est arrivé au printemps de sa vie. Il était alors grand comme un pin, droit comme la ligne que trace la balle